Richard Wagner (1813–1883)
Das Rheingold (1869)
Prologue du Festival scénique : Der Ring des Nibelungen (1876)
Livret du compositeur
Création à Munich, le 22 septembre 1869 au Nationaltheater.
Création au Festspielhaus de Bayreuth le 13 août 1876

Direction musicale

Cornelius Meister

Mise en scène

Valentin Schwarz

Décors

Andrea Cozzi

Costumes

Andy Besuch

Dramaturgie

Konrad Kuhn

Lumières

Reinhard Traub

Video

Luis August Krawen

 

Wotan : Egil Silins
Donner : Raimund Nolte
Froh : Attilio Glaser
Loge : Daniel Kirch
Fricka : Christa Mayer
Freia:Elisabeth Teige
Erda : Okka von der Damerau
Alberich Olafur Sigurdarson
Mime : Arnold Bezuyen
Fasolt : Jens-Erik Aasbø
Fafner : Wilhelm Schwinghammer
Woglinde : Lea-ann Dunbar
Wellgunde : Stephanie Houtzeel
Floßhilde : Katie Stevenson

Orchester der Bayreuther Festspiele

Bayreuth, Festspielhaus, mercredi 10 août 2022, 18h

Pas de Ring depuis 2017, dernière année de celui de Frank Castorf, si l’on excepte Die Walküre de 2018 dirigée par Placido Domingo. Cinq ans sans Ring, c’est beaucoup, mais la pandémie est passée par là, qui a lourdement frappé Bayreuth, peut-être plus qu’ailleurs. C’est dire l’attente suscitée par ce nouveau Ring, signé Valentin Schwarz, qui patientait depuis 2020 pour être présenté. Au moins l’équipe de production a‑t-elle eu le temps de continuer à peaufiner son travail, mais peut-être aussi cette prolongation est-elle un piège. Les péripéties ne se sont pas arrêtées, puisque le chef prévu, Pietari Inkinen, touché lui aussi par le Covid a dû renoncer à la direction musicale, confiée in extremis à Cornelius Meister, sur place pour Tristan, mais qui est en plein Ring à Stuttgart dont il est le GMD. N’importe, préparer un Ring à Bayreuth en deux semaines tient du miracle quand les équipes ont travaillé les répétitions depuis plusieurs mois avec un autre chef.
Alors qu’en est-il de ce
Rheingold, copieusement hué comme d’habitude à Bayreuth par ceux qui ne sont jamais contents de leur sort bayreuthien et qui en veulent à Katharina Wagner pour ses choix, mais aussi par ceux qui ont été simplement déçus par ce qu’ils ont vu et entendu…

L'enfant roi : le jardin d'enfant version Alberich (en arrière plan, Arnold Bezuyen (Mime)

Considérations de contexte

L’entame du Ring donne évidemment une couleur à l’ensemble. Elles sont assez rares, les mises en scène qui font de Das Rheingold un prologue visible et autonome d’une histoire qui va se développer sur d’autres chemins. La production Castorf était de celles-là. Nous n’avons pas encore vu au moment où nous écrivons ces lignes la suite de cette Tétralogie, et nous nous contentons donc pour l'instant de référer de ce que nous savons et avons constaté de visu. Mais avant de rentrer dans le vif de sujet (ou de la plaie), il convient de rappeler au lecteur quelques éléments :

  • Katharina Wagner est très critiquée pour ses choix esthétiques et vouée aux flammes de l’Enfer par des wagnériens dépositaires du flambeau, vestales d’un trésor qu’ils croient protéger alors que le plus souvent, ils l’étouffent sous la poussière. Pour ma part, même si certains aspects du Festival me laissent des doutes (sur du point de vue des organisations et de cet esprit de clôture qui y règne), je n’ai aucun doute à défendre une politique artistique qui cherche à trouver des artistes neufs, qui aillent dans d’autres directions, des artistes qui sortent du Regie’s tour (Dmitri Tcherniakov, Krzysztof Warlikowski, Barrie Kosky, Tobias Kratzer, Romeo Castellucci) : il y a Salzbourg pour cela, un peu répétitif ces derniers temps . Certes elle en a appelé quelques-uns, qui ont d’ailleurs signé chacun des productions mémorables et indiscutables, mais il faut aussi sortir des sentiers battus et rebattus dans toutes les grandes salles du monde (et à Salzbourg, et à Aix), pour aller voir ailleurs… C’est le rôle de Bayreuth d’être un lieu de découvertes et surtout d’expériences, c'est à dire le Werkstatt Bayreuth (laboratoire) cher à son père Wolfgang dont elle continue la tradition.  Bayreuth n’a engagé que rarement des gloires du chant ou de la direction ou de la mise en scène installés, mais s’est plutôt intéressé au sang neuf : combien de chanteurs et de metteurs en scène découverts ou consacrés par Bayreuth, et bien des chefs aussi : quand Sawallisch dirige Tristan en 1957, il a 35 ans, quand Barenboim arrive à Bayreuth, il a 37 ans, quand Petrenko y arrive, il en a 38, Thielemann 41 ans et on pourrait citer Nelsons, et évidemment Pietari Inkinen qui a dirigé Walküre l’an dernier, même si il n’a pas fait le Ring cet été. Cornelius Meister a 42 ans, l’âge de la consécration pour un chef.
    Donc Katharina Wagner est dans son rôle : quand elle choisit Kratzer ou Kosky et que cela réussit, personne ne vient le lui reprocher sinon quelques momies ; elle a choisi Valentin Schwarz, un espoir de la mise en scène et son choix est légitime, au-delà de la réussite ou non du spectacle.
  • On sait d’ailleurs que l’idée initiale avait été de confier ce nouveau Ring à Dmitri Tcherniakov, mais celui-ci le fait avec Barenboim à Berlin, couronnement d’une collaboration fructueuse après Parsifal et Tristan. En appelant une équipe jeune, direction comme mise en scène, Katharina Wagner prend donc un risque qu’il faut saluer et non critiquer.
  • La question du Ring est une question de distance et d’endurance. Tenir 14 ou 16h un travail de mise en scène, tous n’y arrivent pas : le meilleur exemple est Robert Lepage au MET, avec un Rheingold exceptionnel, une bonne Walküre, un Siegfried moyen et un Götterdämmerung épuisé. Il s’agit de tenir une ligne cohérente, tout en variant les idées, tout en surprenant, notamment dans les moments « attendus » du public.
    D’autres y réussissent, dans la même ligne que Lepage (raconter l’histoire en faisant un peu rêver) comme Andreas Kriegenburg à Munich, qui est actuellement l’un des meilleurs Ring sur la place, mais qui va disparaître puisqu’un nouveau signé Tobias Kratzer est prévu.
  • Je l’ai souvent écrit, les lectures du Ring marquées par l’histoire ou l’idéologie, Chéreau, Kupfer, Flimm, Castorf ont à peu près donné ce qu’elles pouvaient et pour l’instant peut-être épuisé le sujet, aussi a‑t‑on accueilli avec confiance ceux qui voulaient nous raconter une belle histoire, à Bayreuth ce fut Peter Hall (échec), Alfred Kirchner (demi-échec avec les jolis décors de Rosalie), Tankred Dorst (échec) et ailleurs Lepage ou Kriegenburg, même si chez Kriegenburg, l’histoire a un sens et qu’à la fin la lecture idéologique et politique pointe.
    Raconter une histoire au théâtre n'est pas si évident, mais tous néanmoins plaçaient la question de l’humanité au centre, ballottée par les guerres, les luttes de pouvoir etc…
    Je souris d’ailleurs beaucoup en évoquant aujourd’hui ceux qui disaient que Castorf était une mise en scène de vieux pour les vieux, has been en quelque sorte, car elle ne pouvait parler aux jeunes, qu'elle était dépassée : pensez-donc, l’Or devient l’Or noir, c’est dépassé, Marx, Lénine, Staline, Mao, c’est mort…
    Et arriva la guerre en Ukraine, avec ses enjeux idéologiques planétaires, avec la question lancinante des énergies et du pétrole, pour nous dire que Castorf est plutôt visionnaire que fossoyeur et que son regard si acéré dans le Ring reste plutôt étonnamment actuel. Le Ring idéologique et politique, conçu comme tel par Wagner dans les années 1850, n’a rien perdu de son sens ni de son actualité : le pouvoir et l’or sous toutes leurs formes restent le moteur du monde. Et pas vraiment l'amour…

Le Ring de Valentin Schwarz : prémices

Justement, Valentin Schwarz semble se détourner de ces aspects idéologiques, et j’ai relevé au cours de mes récentes conversations la réflexion d’un jeune wagnérien, pour la première fois à Bayreuth, soulignant en sortant de la représentation : « Ah ! c’est une mise en scène d’aujourd’hui pour des gens d’aujourd’hui »…
L’Aujourd’hui décrit par Valentin Schwarz, 33 ans au compteur, semble sans idéologie, sans magie, sans mythes, sans rien pour se projeter et rêver : il scénarise le livret en essayant d’en tirer un sens pour l’individu d’aujourd’hui et non pas la société, à partir de ce que nous dit Wagner et de ce que nous savons de nous-mêmes. Il nous montre dans ce Rheingold, dans un décor de série américaine (salon cossu, divan profond, femmes de chambre etc…) une société déjà arrivée, qui n’a plus de souci d’argent : l’or a déjà été trouvé et donc sans doute le pouvoir.
C’est une société post-Ring en quelque sorte, gouvernée par les intérêts individuels, où le souci, c’est la descendance. C'est un souci bien réel que la transmission dans des familles riches et arrivées. Et de fait ce n’est pas incohérent avec l’histoire du Ring ou la question de la recherche d’héritiers est essentielle (Siegmund et Sieglinde, puis Siegfried et Brünnhilde, mais aussi Hagen) pour garder le pouvoir en main, et dans le Ring originel, la lutte des pères se transmet aux fils (Hagen fils d’Alberich face à Siegfried petit fils de Wotan dans Götterdämmerung): le Ring c’est l’histoire d’un passage de générations.
La question de l’héritier est centrale et c’est d’elle dont se saisit Valentin Schwarz qui fait du Ring, de cet anneau que tous se disputent, un petit garçon. On s’épuiserait à construire des équivalences (alors le petit garçon c’est le Ring ? Mais alors les petites filles, c’est qui ? c’est le reste de l’or ? et celle qui part avec Erda, c’est Brünnhilde ? etc…etc…) Schwarz imagine un scénario qui corresponde à notre aujourd’hui, où le politique est affaibli, où – du moins certains l’affirmaient ou l’affirment encore – l’idéologie serait morte, et le pouvoir serait aux mains d’une oligarchie sans âme, sans autre but qu’elle-même et il faut le dire sans aucune saveur. Oui, en ce sens, ce Ring est bien un Ring d’aujourd’hui, sans autre boussole que SOI, « Soi-même comme un roi », selon le titre d’Elisabeth Roudinesco ((Elisabeth Roudinesco, Soi-même comme un roi, Seuil, 2021)) et sans enjeu intellectuel.
On comprend dès lors l’allusion à Netflix ou aux séries américaines, conçues pour entretenir individualisme et rêves petits (ou grands)-bourgeois, dans une société gavée sans envie ni but, en somme, le Rien au quotidien. Ce Ring, c’est Succession ou Dynasty peut-être, histoires de ces familles qui n’ont plus qu’à tourner en rond autour de leur lignée. Mais ce Ring se veut surtout, au départ du moins, un hommage aux séries, cette forme qui a explosé ces dernières années comme forme d’art audiovisuel d’aujourd’hui et qui prend une valence de plus en plus lourde (voir Borgen, Game of Thrones etc…).

Cette question de l’hérédité, du successeur est aussi la question lancinante de l’histoire de la famille Wagner, dès les origines : attente d’un héritier mâle (Siegfried), reniement d’Isolde la première fille du couple Richard/Cosima et préservation de Wieland qui ne va pas à la guerre pour se préparer à diriger le Festival et : la question de l’héritier est centrale, à cause du Walhalla constitué par le Festival, et elle s'est posée jusqu’à nos jours, après la deuxième guerre avec Wieland et Wolfgang Wagner qui ont réussi à évincer Friedelind, et elle s’est reposée au moment du passage de témoin assez mouvementé de Wolfgang Wagner à ses filles Eva, prévue par le conseil de surveillance du Festival,  et Katharina, choisie par son père. On trouva un accord. À Bayreuth, on aime les histoires de famille…
C’est une histoire à tiroirs et Valentin Schwarz, sans la raconter, nous introduit dans cette préoccupation centrale des familles puissantes : l’héritier, la suite, la transmission…
À cause d’une interview du metteur en scène, on a insisté sur le côté Netflix… Il ne s’agit pas forcément de reproduire dans le détail des codes d’aujourd’hui, mais de se débarrasser de l’ambiance mythologique et magique, du côté création du monde et de scénariser l’ensemble pour donner une logique qui ne trahisse pas l’esprit de l’œuvre (la question du pouvoir notamment, plus que celle de l’argent), en respectant les caractères des personnages : il y là aussi une logique. Les Dieux de la mythologie germanique (comme ceux de la mythologie grecque et toutes les mythologies) sont loin d’être des modèles, et vols, viols, violences de toute espèce émaillent les histoires des Dieux de la mythologie (pensons aux Bacchantes d’Euripide ou aux Atrides). En ce sens l’histoire reconstituée par Schwarz est aussi peu morale que l’histoire originale, et aussi peu morale que les histoires mythologiques dont nous raffolons.
Il reste à savoir si le public se laissera aussi facilement dépouiller complètement de ses attentes sans réagir : pas d’or, pas de magie, pas de dragon, pas de crapeau et last but not least, pas d’anneau, car jusqu’ici, toutes les mises en scène depuis Chéreau ont respecté ces codes-là.
Enfin bien des mises en scène ont surpris et sont ensuite rentrées dans les habitudes : sans remonter jusqu’à Chéreau, passé de monstre à saint laïque, rappelons l’accueil agité de Castorf dans ce lieu, qui s’est terminé quatre ou cinq ans après dans le calme après la tempête…

La mise en scène de Rheingold

Le propos est ambitieux : il faut avoir les moyens de ses ambitions, et le souffle pour arriver au bout, c’est là que se poseront les vraies questions. Et très honnêtement, nous avons continué cet article à Ring conclu, pour faire comprendre au lecteur les perspectives de développement.

Ce Rheingold a donc surpris, et évidemment agacé.

Représentation de l'ADN

Il s’ouvre pendant le prélude sur la vidéo de deux fœtus dans le liquide amniotique reliés par le cordon ombilical qu’on prend au départ en gros plan et en relief comme une représentation d’ADN qui se transforme en cordon ombilical…
Deux fœtus emmêlés, et l’un en bougeant donne un coup de poing dans l’œil de l’autre. Abel/Cain, Romulus/Remus, Wotan/Alberich. Le ton est donné : les deux sont jumeaux et se haïssent, et les deux se cherchent une progéniture.
Valentin Schwarz écrit ses prémices qui sous tendent les origines de l'histoire (source, programme de salle):
- Wotan, dépassé par les événements, qui perd tout
- Alberich, son frère jumeau, mal aimé, sans ressources, ce qui l'a rendu dangereux
- Fricka et Erda, les femmes de Wotan, soucieuses de la réputation et de la pérennité de la dynastie, insistant sur la sincérité.
-Fafner, le maître d’œuvre, qui fait subir une lourde perte à Wotan, et qui finit par cette même perte…

Wotan qui a réussi sa vie entretient une sorte de crèche gardée par les filles du Rhin, au bord d’une piscine-pataugeoire, et Alberich, habillé en mauvais garçon, vient troubler le paisible asile… Voilà le début. Effrayant de logique : il cherche à prendre un gosse à qui il va transmettre ses valeurs (on va découvrir dans la descente au Nibelheim que c’est vraiment un sale gosse) et qui va lui donner le pouvoir. Vies parallèles.
Car parler d’enfant, c’est aussi parler d’éducation : l’héritage, c’est un patrimoine mais aussi une culture et tout un patrimoine immatériel. De cela aussi ce Rheingold nous entretient.
La première scène des filles du Rhin est donc un jardin d’enfants, les filles du Rhin en nounous gardent les Walkyries-petites filles (dans ce Ring, l’immortalité n’existe pas, et tout le monde vieillit, et meurt), et deux ou trois petits garçons dont un avec un tee-shirt jaune et une casquette jaune et noir, c’est lui le Ring.
Le Rhin est une pataugeoire, et les petites filles s’occupent à dessiner et peindre (de loin on ne sait pas quoi, mais après enquête aux entractes, c’est un Wotan-Viking casqué, tel qu’on le voit sur le programme de salle et au moment du chœur de Götterdämmerung qui porte des masques le représentant) que les petites filles peignent – et tous les enfants qui défileront dans le Ring par la suite peindront ce masque.) C’est très important car on retrouve ce dessin à tous les moments clefs jusqu’à la fin du Ring, c’est un des objets symbole de la production et la trace des origines…

Alberich arrive, le-frère-de-Wotan-qu’on-cache, vous savez, celui qui est la honte de la famille et dont on ne parle pas, jean, blouson de cuir : il enlève assez facilement le gamin qui embête les petites filles à coup de pistolet-mitrailleur en plastique (déjà…) qu'il remplit d'eau dans la pataugeoire. À peine Alberich a‑t‑il le temps de maudire l’amour, mais on voit bien que ce n’est pas la question pour lui : qui parle d’amour là-dedans.

Alberich (Olafur Sigurdarson) et le "Ring" avec le revolver si fréquent dans ce Rheingold

Wotan, qui a essaimé des héritiers/héritières un peu partout, car la famille Wotan, on le sait, est de ces familles à rallonge, a mis tous ses rejetons à garder en lieu (pas si) sûr. Alberich, qui doit lui aussi penser au lendemain, vient comme le loup dans la bergerie se servir du plus précieux des enfants, celui qui apparemment est le plus intelligent. L’enfant va donc être tout au long du Rheingold une monnaie d’échange, une petite peste qui tombera donc dans les mains de Fafner. Certains y ont vu une histoire de trafic d’enfants, je ne suis pas convaincu par cette vision ; l’enfant est ici non pas objet de trafic, mais nécessité vitale pour la famille Wotan et Alberich. Comme on le sait et l’un et l’autre perdent leur pari à la fin de Rheingold. L’enfant va ailleurs.

La famille : Egil Silins version tennis (Wotan), Attilio Glaser (Froh), Elisabth Teige (Freia); Raimund Nolte (Donner), Daniel Kirch (Loge)

C’est alors qu’on passe du jardin d’enfants à celui des adultes, salon cossu, escaliers, terrasses, femmes de ménage, majordomes, et sacro-saint divan, lieu emblématique des séries TV des années 1980. Un modèle correspondant mieux à l’âge du public de Bayreuth que le modèle des séries d’aujourd’hui. Wotan commence en tenue de Tennis, tranquille, admirant son Walhalla (qu’on ne verra jamais selon le principe installé que toutes les attentes sont toujours déjouées). Pour aller au Nibelheim, il troquera le tennis contre un costume de ville jaune pâle (allusion à l’or perdu… ?) qu’il portera pratiquement tout le Ring ensuite.

Wotan version costume (Egil Silins)

Le décor assez monumental est donc un salon, avec un rideau ouvrant en transparence sur un garage (les géants y mettent leur voiture, un SUV Porsche) et au-dessus, une autre chambre, avec une toute autre esthétique : au lieu du gris clair du salon, on a là du bois, des couleurs chaudes (bordeaux, bleu), c’est une chambre d’enfant d’appartement cossu. Notons la bien car elle réapparaîtra jusqu’au Götterdämmerung. C’est la chaleur familiale, les souvenirs, les enfants qui jouent avec des petits chevaux (ah, les jolies allusions aux Walkyries) et dans ce Rheingold, la pièce est d’abord occupée par Wotan, lieu de retrait, lieu des souvenir d’enfance car la famille s’entend dans sa continuité : hier, aujourd’hui, demain. Rien n’est absurde dans cette vision, et quand le Ring sera (brièvement) ramené par Wotan, le Ring-Enfant ira jouer immédiatement dans cette chambre, et faire un peu de bêtises, mais réussir quand même à restaurer son Rubik-Cube donné par Wotan pour l'occuper. (c'est qu'il est intelligent, l'insupportable bambin)
Dans le salon, des plateaux, des verres, des boissons, un tableau (une scène de chasse) et des objets, dont une pyramide lumineuse sous verre qui elle aussi voyagera jusqu’au Götterdämmerung, comme un symbole familial qu’on se transfère.

Elisabeth Teige (Freia) Attilio Glaser (Froh) Christa Mayer (Fricka) et la pyramide

Fonder un Rheingold sur le modèle de la série Netflix n’est pas techniquement (trop) difficile, car c’est dans le Ring sans doute la plus grande « pièce de conversation », ce type de moment qu’on retrouve aussi au deuxième acte de Walkyrie. Et donc, cette histoire est véritablement une histoire de famille, avec un chef de famille (ou de clan) qui s’est fait construire le Walhalla et qui va essayer de rouler les entrepreneurs, une situation tout à fait ordinaire.
On va donc trouver à la fois les géants (de type un peu mafieux, lunettes noires, pardessus noirs, comme ces hommes de main sur lesquels on peut s’appuyer avec de l'argent (Ils ont une Porsche…) pour accomplir des travaux louches): l’un parle et l’autre regarde attentivement la maison, ses mesures, pour voir ce sur quoi mettre la main au cas où (à moins qu'il vérifie que leur travail est réussi).
On sent le conflit non de deux mondes, (les dieux et les hommes), mais à l’intérieur de systèmes élaborés par le même monde.

Quant au Nibelheim, c'est aussi un jardin d'enfants (comme le parallèle Graal/Klingsor, sauf qu'il n'y a ici que des Klingsor) c’est un champ clos d’une lutte Alberich/Mime dominant/dominé, où le jeune « Ring » (qui en réalité dans cette production est le jeune Hagen) en fait voir de toutes les couleurs aux petites filles, menace, détruit, joue Mime contre Alberich puis l’inverse, sans dragon ni crapeau, mais où le monstre se construit quand Alberich met l’enfant sur ses épaules : méchant-puissance deux.
Le jeune Ring (on l’appellerait volontiers Ringo, excusez l’audace) est d’ailleurs très disponible, il suit à peu près tous ceux qui le prennent et l’enlèvent, comme s’il comprenait d’emblée l’intérêt à suivre tout le monde et donc en fait personne… Il s’installe dans l’espace Nibelheim, qui ressemble au jardin d’enfant du Rhin en version pauvrette, et puis chez Wotan, dans la chambre d’enfants avec jouets et souvenirs, de manière complètement plastique : jeune Hagen déjà sans foi ni loi, il suivra aussi Fafner, avec des conséquences d’ailleurs qu’on découvrira bientôt… Tout est ici tractation humaine, et pièges de thriller de bas étage, pas toujours très clairement lisibles d’ailleurs, mais avec bien des idées subitement justes et lumineuses, pas toujours menées à leur fin, allusives et superficielles.

Car un des problèmes de ce Ring, dès Rheingold, est l’impossibilité de voir, simplement voir certains détails de mise en scène si importants qu’on va les revoir jusqu’au Götterdämmerung, mais qu’on n’identifiera pas, car ce Ring semble fait soit par le metteur en scène pour le metteur en scène, à usage de soi pour soi ( voir, encore, Roudinesco « Soi-même comme un roi ») soit à l’usage des 10 premiers rangs centraux. Vous qui êtes sur les places latérales ou au 20ème rang, ce Ring n’est pas (trop) pour vous, bien des choses vous échapperont. Vos entractes seront une chasse (c’est quoi ce dessin ? c’est quoi ce tissu etc…) à l’élucidation de détails que vous n’aurez point « physiquement » vus. Car le système de décor (de Andrea Cozzi), est fait de blocs mobiles qu’on reverra de loin en loin, où bien des choses se déroulent dans des coins mal éclairés (car les éclairages de Reinhard Straub , notamment par la suite, sont vraiment pénibles et assez ratés…).
On commence donc dans Rheingold (qui, à vrai dire, n’est pas le moment le plus problématique de ce Ring) à percevoir ce qui sera un fil rouge (en l’occurrence noir) de la production, à savoir les problèmes techniques, les mouvements imperceptibles, les objets qu’on ne voit pas : bref la confusion et l’absence de lisibilité récurrents sur l’ensemble du Ring, et quand j’écris « lisibilité », je ne parle pas seulement « Lisibilité intellectuelle », mais aussi simplement physique.
L’autre problème, c’est le recours à l’anecdotique, au petit fait vrai, les bonnes amènent des boissons, essuient la poussière, circulent, se refilent les ordres des majordomes, tout un petit monde du « dessous » qui s’active autour de la famille. De l’utile et de l’inutile qui occupent le plateau de manière un peu lâche, ce qui peut créer aussi des trous noirs d'ennui, où la direction musicale terne accentue les regards sur la montre. La famille quant à elle, ne cesse de délibérer, autour de la fraîche et jeune Freia (Elisabeth Teige), habillée chic notamment avec un grand châle qui deviendra lui aussi un des objets transférés d’opéra en opéra (costumes de Andy Besuch, hommes en costumes de ville peu ou moins singularisés (femmes en robe de cocktail sombres). C’est elle l’enjeu, elle est jeune et séduisante, elle est l’amour, et la famille va la sacrifier.

Daniel Kirch (Loge)

Autour des hommes qui sont les utilités, Froh et Donner au revolver facile (le revolver est un objet très prisé de Rheingold et Walküre…), et Loge, c’est l’homme à tout faire de la famille, celui qu’on appelle seulement pour exécuter ou imaginer de très basses œuvres mais qui sait aussi manipuler pour ses intérêts… Il n’est pas excentrique, mais un peu gesticulant et maniéré. Dans les jolis salons, cela se porte mal, mais quand on est dans le besoin…
Comme on le voit, tous les personnages sont en place, mais décalés, et la chasse à l’or est la chasse à l’enfant : pas de pédophilie, mais simplement l’idée de couveuse d’enfants qui porteront les intérêts des familles pour les générations suivantes : c’est vrai Le Ring est l’histoire d’un passage générationnel, des pères aux fils, mais pas seulement.

Okka von der Damerau (Erda)

Et puis, nouveauté introduite par le scénario, Erda (Okka von der Damerau) est là, dans la famille, dès le début. Elle est l'ancienne femme de Wotan, devenue la nounou attentionnée, qui écoute tout, cherche visiblement à avertir, à faire éviter le pire, mais qui écoute les nounous ou les ex-? Elle circule donc de manière irrégulière, entrant aux moments clefs, puis sortant. C’est tout de même la mère des Nornes et des Walkyries, toutes issues des œuvres de Wotan (qui dans cette production, n’a pas fait que jouer au tennis).
Tout cela n’est pas absurde et ne constitue pas un contresens. Les caractères, les rapports des personnages entre eux, leurs attitudes correspondent exactement au texte et au profil habituel d’un Rheingold. Et qu’on doive renoncer à l’amour pour enlever un enfant n’a rien de contradictoire ou choquant, il y a belle lurette que l’amour a disparu de cette famille.

Ceci dit : le prologue de Rheingold marque pour Wagner les principes qui régissent l’humanité et justifient les révolutions, exploitation des faibles, impossibilité de concilier amour, pouvoir et or, et marchandisation des êtres (Freia libérée contre l’or qui doit la recouvrir – sa valeur, c’est la quantité d’or qu’on va donner pour la récupérer… Tas d’or contre tas de chair). Schwarz tourne le dos à cela, la question de l’or est résolue au lever de rideau. Et les enjeux de ce monde post Ring traditionnel en quelque sorte ont changé et nécessitent une sorte de réécriture scénique sans changer une ligne du texte .
Pour une entreprise de la sorte, il est nécessaire aussi d’avoir une direction d’acteur aussi millimétrée que possible, une précision des mouvements et des groupes : ce n’est pas toujours le cas, la direction d’acteurs existe, mais un peu lâche, sans la rigueur d’un Kosky ou d’un Tcherniakov (il suffit de voir Der Fliegende Holländer pour comparer). Au total donc quelques surprises, mais un ensemble assez cohérent qui ne dit pas grand-chose des intentions de la suite, qui se regarde hic et nunc sans que ce soit désagréable, ça passe au total, sans images frappantes, sans grande respiration, sans lourdeur, mais avec de l'ennui .

Début de la montée au Walhalla : Donner (Raimund Nolte) et Fricka (Christa Mayer ) et en haut Wotan (Egil Silins) et Freia rétive (Elisabeth Teige)

Il reste que Schwarz veille à éteindre tout effet de l’image finale : d'abord Donner donne son coup de tonnerre par un club de golf (comme chez les gens chics) et se fait un lumbago, et la montée au Walhalla s'effectue sans montée au Walhalla (juste une volée d'escalier)et sans Walhalla, avec Wotan qui s’agite sur la corniche du premier niveau et danse de manière ridicule (un peu comme Jean-Claude Gaudin le jour où il vainquit la Mairie de Marseille, c'est à dire dans le vide, dans le creux, sans futur – sinon un futur catastrophique)  danse agitation dont on sait par Erda, qui est partie du clan avec une petite fille (qui ? vous le saurez dans Siegfried…) que déjà, cela ne débouchera sur rien. C’est un peu la crainte qui pointe dans un Rheingold habile, dont le propos reste abscons, mais qui se laisse encore voir.

 

Les aspects musicaux

La distribution participe à l’opération avec un engagement visible : les trois filles du Rhin en habit de nounou ou de gardes d’enfants (Lea-ann Dunbar, Stéphanie Houtzeel, Katie Stevenson) extérieures à la famille et qui lui rendent un service… à la fois elles jouent bien le jeu du dialogue entre elles et de la conversation, mais les voix s’harmonisent avec bonheur et leur jeu reste frais, y compris leur oui et non avec Alberich qui les lutine juste ce qu’il faut pour ne pas choquer la morale et les yeux des petites filles (des petites Walkyries, en rose – ce sera la couleur de Brünnhilde à la fin du Crépuscule- qui regardent avec un air étonné…), la scène est musicalement et théâtralement, assez bien réglée.
Du côté des nains, il faut saluer la performances de Olafur Sigurdarson comme Alberich. Olafur Sigurdarson a un timbre sonore, et avec une voix claire, bien projetée, qui lui permettent en même temps de faire entendre le texte de manière impressionnante sans avoir les aigus aussi puissants qu’on attendrait pour le rôle, il reste que c’est vraiment un Alberich de très bon niveau pour Rheingold.
Arnold Bezuyen a une voix plus puissante qu’attendu pour Mime, qu’il ne tire pas trop vers le ténor de caractère tout en minaudant de manière un peu vieillotte et en criant un peu trop souvent qu’il n’est permis. La performance n’est pas convaincante.
Du côté des géants, le Fafner solide de Wilhelm Schwinghammer mais surtout le Fasolt de Jens-Erik Aasbø qui comme on sait est protagoniste dans Rheingold montrent des voix solides, bien projetées, mais du côté de Fasolt pas trop expressive. La performance d’ensemble est quand même très acceptable.

Attilio Glaser (déjà excellent dans le Steuermann de Fliegende Holländer) est un Froh vif, au timbre clair et séduisant, tandis que Donner (Raimund Nolte) est un peu plus anonyme.
Erda est Okka von der Damerau : elle peut ainsi chanter désormais aussi bien Erda que Brünnhilde, ce qui est une performance étonnante. Son Erda a en effet un timbre clair et jeune, assez puissant et elle est douée d’une diction impeccable, son monologue à Wotan est l’un des grands moments de la soirée qui montre que le personnage peut prendre vie avec une voix plus lumineuse qu’attendu.
Plus problématique le Loge de Daniel Kirch. La performance d’acteur est correcte, il est un Loge agité un peu forcé et artificiel, aux longs cheveux gras et au look un peu louche. Vocalement, alors que le rôle est l’un des plus expressifs et l’un des plus subtils du répertoire, il reste assez anonyme, sans véritable caractère avec une voix sans couleur, là où la couleur est déterminante. C’est un rôle tout en diction et tout en couleur, mais ici, malgré les gesticulations, cela reste plat.

Christa Mayer (Fricka)

Christa Mayer campe une Fricka autoritaire, avec une voix affirmée et puissante, et une bonne diction – essentielle dans le rôle car c’est elle qui conduit bonne part des conversations. Elle est la "matrone" de la famille et acquiert dans cette mise en scène un poids singulier. Très aimée à Bayreuth, elle obtient un succès vraiment justifié.

Freia (Elisabeth Teige) au bord du suicide

Plus originale Freia chantée par Elisabeth Teige, qui a pour moi exactement la voix du rôle : claire, juvénile, puissante (comme je l’écris souvent, il faut une voix qui annonce Sieglinde). Elle incarne une jeunesse sacrifiée par les autres, assez désespérée, et comme elle est la déesse (même si dans ce scénario, pas de Dieux ni de Déesses, mais des hommes comme vous et moi) de l’amour, elle tombe amoureuse de Fasolt (comme chez Andreas Kriegenburg) – on ne devrait pas tomber amoureux de son ravisseur et la voilà victime du syndrome de Stockholm,  d’où au moment de la séparation, un cri douloureux et une tentative de suicide, ce que les autres empêchent. Voilà un personnage bien caractérisé, dont le châle luxueux va faire tout le voyage du Ring jusqu’au Götterdämmerung. Freia, la sœur faible dans une famille sans cœur. Une erreur de la nature qui là aussi aura une importance inédite.

Egil Silins a été injustement hué : son Wotan aux tempes argentées et à la personnalité « arrivée » est assez convaincant.  Le volume est plus marqué que dans d’autres prestations (on l’a entendu souvent dans ce rôle), l’articulation bonne, la voix ronde. Le timbre n’est pas particulièrement séduisant, mais dans l’ensemble il est un Wotan très adapté à Rheingold, avec des qualités de jeu notables.

On le sait, Cornelius Meister le chef d'orchestre, a repris la production en fin de travail et n’a pu répéter normalement, par ailleurs, il est en plein Ring à Stuttgart et a priori, on n’avait pas à craindre de problèmes, d’autant que ce chef fut considéré comme un des plus sérieux espoirs de la baguette en Allemagne dès qu’il fut directeur à Heidelberg. Du point de vue de la carrière, cela stagne un peu semble-t-il, mais il passe pour être un spécialiste de Wagner.
Et pourtant il a été sérieusement mis en cause par le public aux saluts. Il alterne moments stupéfiants de relief et moments d’une discrétion, voire d’un ennui tout aussi étonnants. On n’arrive pas à voir de ligne : les moments de pure conversation devraient être l’occasion (on se souvient de Petrenko) d’un agencement magique entre mot et note, dans une mosaïque où la musique du mot gouverne la musique des notes.
Las, lors de ces moments-là, l’orchestre est à peine audible, trop discret, et puis surgissent des instruments au volume trop fort (du côté des cuivres par exemple), ou un final très (trop) ronflant. Certes, c’est souvent assez clair, mais trop artificiellement subtil, avec des ralentis et des accélérations brutales qui semblent plaqués sans véritablement d’autre motif que l’exercice de style. Alors il y a quelquefois quelques flottements dans l’orchestre, quelques menus problèmes sur le plateau qui donnent l’impression (fausse sans doute) d’approximation. Comme si il avait voulu faire du style, un exercice de style malgré le temps d’adaptation à l’orchestre réduit (même s’il préparait Tristan) alors que la priorité, vu la situation d’urgence, était mener tout le plateau et l’orchestre à la fin de l’œuvre d’abord avec solidité « autoroutière ». Il a choisi une autre voie, moins régulière, et cela crée de l’incohérence. C’est dommage.

En conclusion, nous avons là un Rheingold musicalement assez solide vocalement, mais sans magie, avec des défauts musicaux : la distribution globalement satisfaisante mais pas totalement convaincante, la direction musicale trop « maniérée » d’une certaine manière, qui plombe un peu certains moments et n’allant pas à l’essentiel, qui devrait être la cohérence d’ensemble.
De la mise en scène il faudra juger vraiment un peu plus tard. Le pari du neuf est gagné, or c’est un enjeu très bayreuthien que de proposer des voies nouvelles et inattendues. Le pari du sens ne l’est pas encore et le pari d’un théâtre incontestable non plus, tant les défauts de lisibilité sont grands et tant bien des éléments paraissent superflus. C’est très ouvert, mais on n’a pas d’emblée cette conviction qu’on assiste à un événement scénique et musical de grande portée, comme Castorf/Petrenko en 2013 (je suis de parti pris, mais j’assume…). On a plutôt l’impression d’un travail inachevé, d’une multitude de détails dont certains font sens et d’autres encombrants : il y a des idées multiples mais on attend l'idée, et il y a loin de la coupe aux lèvres.

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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5 Commentaires

  1. Pas mal du tout…👏👏👏. À suivre…. Quand même encourageant😊
    Mais il faut apporter des jumelles 🔭 et lire et relire Wanderer pour trouver les clés 🗝

  2. Wanderer,
    Je me rends à Bayreuth à peu près chaque année depuis la fin des années 70.
    Certes, une partie du public a hué Chéreau , au début, Kupfer ,Castorf chaque année mais beaucoup moins les deux dernières . Ces trois puissants artistes ont su traduire avec force , talent , voire génie l'univers poétique de Wagner.
    Avec Valentin Schwartz , on a atteint le fond du fond.
    Au Ring d'ouverture, la mise en scène a été fortement huée à l'issue de chaque soirée et plus particulièrement après le Gotterdammerung. 1800 personnes sur les 2000 présentes ,debout , huant ce non artiste , c'est impressionnant et révélateur.
    On peut résumer ce sabotage comme suit :
    – déconstruction
    ‑destruction
    ‑désacralisation
    En un mot : Cancel cultur !
    Après Castorf , grand metteur en scène , on est confronté à un débutant sans idée. Sans imagination. . Pour faire du théâtre , il faudrait déjà avoir une idée.
    Je ne sais pas si le public fut aussi expressif au second Ring.
    J'attends de lire votre analyse complète.
    Celle relative au Rheingold est pertinente mais bien indulgente.
    Salutations wagnériennes.

    • Je ne suis pas indulgent, je trouve simplement que des quatre opéras, la mise en scène de Rheingold est encore celle qui fonctionne le mieux.
      Bien à vous
      Guy Cherqui

  3. Bien à vous aussi car vous lire est un plaisir.
    J'espère , et je pense , que Tcherniakov va nous remonter le moral. en octobre prochain à Berlin.
    J'irai aussi , comme vous je le suppose , à Stuttgart comme à Mannheim.
    On poursuivra aussi la lecture de Homoki à Zurich dont vous avez formidablement analysé le travail.
    Gergiev reprend son Ring à Saint Pet en septembre . Formidable sur le plan musical , mais très laid .
    Je l'ai vu au Met , à Covent comme au Marinski. Pour la musique , mais sans théâtre. Ce qui est paradoxal pour qui aime Wagner.
    Fin janvier , Thielemann nous offre ses deux derniers Ring à Dresde . Mise en scène assez conventionnelle , mais qui ne va pas à l'encontre de la musique. J' attends de connaître le nom du metteur en scène que Domique Meyer a choisi pour le Ring dirigé par Thielemann en 2025 à la Scala.
    Un Ring aussi, intéressant , à Helsinki…et une immense surprise à venir…mais je n'en parle pas sur ce site.
    Salutations wagnériennes.
    Philippe

  4. « Rapport du brigadier JPD au commissaire Wanderer
    Comme missionné nous avons présentement enquêté sur les agissement des prévenus : monsieur Wotan, honorable industriel et son frère jumeau Monsieur Alberich, défavorablement connu des services de police. Ce dernier a enlevé un jeune garçon, le petit H, qui serait son fils dans l’école maternelle que Mr Wotan a financé au bord du Rhin. Ce dernier aidé d’une homme de main a réussi a reprendre cet enfant qui lui a été rapidement arraché par une bande rivale, les frères F, très, très défavorablement connus des service de police. L’une des petites filles de la maternelle a failli être enlevée par les mêmes malfrats mais finalement arrachée à leurs mains et confiée à l’assistante sociale Madame Erda. Une jeune femme, mademoiselle Freia, convoitée par l’un des frères F qui avait semblé répondre à ses avances a été la cause d’une rixe entre eux, l’un d’eux a abattu son frère. Madame Fricka, épouse Wotan, sans enfants a déposé plainte pour abandon de domicile. A l’issue de l’enquête il n’a pas été possible d’obtenir de preuve et nous suggérons de recommander un NON-LIEU – Fait à Bayreuth le 27/08/2022 »

    Non-lieu ! Bon, après avoir lu et relu Wanderer et étudié le texte de Konrad Kuhn, dramaturge, j’ai décidé de prendre un paracétamol, mettre sur mon front une serviette glacée et renoncer à interpréter en détail la dramaturgie. J’ai aussi décidé d’ignorer avec superbe les détails (traces décrites pas Wanderer) que je ne voyais pas.
    Au final : pour ce Rheingold une représentation qui globalement me plait, surtout musicalement, mais se laisse voir. D’ailleurs on entend au baisser de rideau 10–20% de huées et plus de 80% d’applaudissements.
    Je reviens sur la musique pour Walküre, mais je me rends compte que E Teige est excellente (argument pour ne pas rater le Fliegende l’an prochain), mais comme Wanderer je ne suis pas convaincu par D Kirch (la voix est rarement intéressante). De plus le personnage est très mal caractérisé.
    La dramaturgie ? il est clair que c’est bien une histoire de dynastie avec son nuage de personnages. Notre Wanderer rapporte le propos du jeune wagnérien : « Ah ! c’est une mise en scène d’aujourd’hui pour des gens d’aujourd’hui » : c’est un peu court jeune homme !
    En fait cela me fait mettre en parallèle Tannhäuser et la Walkyrie 2022 avec respectivement ceux de 1966 (Crespin, Parly, Blanc, Wien, direction Fourestier, mise en scène Le Poulain) et 1967 (Silja, Adam, Thomas, Crespin, Greindl, direction Sebastian, mise en scène Wieland Wagner).
    Ce parallèle : Tannhäuser en 1966 une représentation traditionnelle non déshonorante et en 2022 une mise en scène virtuose et passionnante ; Walküre en 1967, la quintessence d’une dramaturgie « traditionnelle » mais une direction d’acteurs millimétrée et en 2022, certes une dramaturgie pensée mais une mise en scène très pauvre et approximative. Ca se laisse voir, mais ce n’est pas passionnant (tout cela est détaillé par Wanderer)
    Quelques points :
    – Je n’avais pas imaginé la piscine ainsi, mais cette scène est pitoyablement dirigée. Sans doute les chanteurs se débrouillent-il
    – Dans la partie avant Nibelheim, la direction d’acteurs est cohérente, mais à Nibelheim, c’est inexistant (les frasques du jeune H sont répétitives et sans intérêt)
    – Au retour, Loge + Alberich + Wotan dans l’escalier à jardin empêche de bien voir mais, plus grave envoie les voix vars cours… heureusement Alberich maudit au centre (ouf !)
    – La voiture 4x4 est ridicule…. Un départ pétaradant eut été drôle !
    – L’exercice de golf de Donner est ridicule
    – Un beau moment lorsque Wotan s’approche d’Erda qui va s’éloigner avec la jeune B.
    Ça se laisse voir, mais ce n’est pas passionnant (tout cela est détaillé par Wanderer)
    Au fond on pourrait considérer cela comme un beau concert avec parfois des jeux limités entre les chanteurs…

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