C'est l'assassinat du roi Gustave III de Suède au cours d'un bal masqué qui servit de sujet à Eugène Scribe pour l'opéra Gustave III ou le Bal masqué de son ami compositeur Daniel-François-Esprit Auber. Si l'ouvrage d'Auber a rapidement sombré dans l'oubli, c'est surtout grâce à l'opéra de Verdi que l'on doit la notoriété de cet événement tragique. Comme la mise en scène du meurtre d'un roi était intolérable à la censure de l'époque, Verdi et son librettiste Antonio Somma durent s'y reprendre à deux fois pour imposer une transposition de l'intrigue dans les lointains Etats-Unis. Le meurtre du gouverneur de la ville de Boston permettait d'adoucir une actualité politique agitée, un an après l'attentat raté d'Orsini contre Napoléon III.
Au lever de rideau, les décors de William Orlandi ne laissent planer aucun doute sur la situation géographique du drame : un aigle géant dresse ses ailes blanches au-dessus d'une assemblée, composée pour partie de comploteurs. L'intrigue se déroule sur un fond invariablement noir et pesant, avec dans chacun des trois actes, un élément monumental dont le blanc éclatant contraste de façon spectaculaire. Ce manichéisme à bon compte se retrouve jusque dans l'alternance en noir et blanc des costumes (fracs des notables et tenues des danseurs), ainsi que la statue de Riccardo qui trône, telle un monument funéraire dans le salon de Renato au dernier acte. Objet de désir et de jalousie à l'origine du meurtre de Riccardo, la robe écarlate d'Amelia promène son pesant symbole dans un univers binaire. Seule la scène d'Ulrica au pied du gibet permet de réchauffer la couleur d'ensemble et d'oublier pour un temps une direction d'acteurs limitée au strict minimum. Les chorégraphies mécaniques de Micha van Hoecke peinent à dissimuler l'impression délétère de chanteurs pour l'essentiels abandonnés sur scène dans des poses et une gestuelle hors d'âge.
La distribution sauve en partie la soirée, à commencer par la superbe Amelia de Sondra Radvanovsky, capable de darder des aigus agiles à l'intérieur d'une ligne charnue et volontaire. Son Morrò, ma prima in grazia est remarquable de tenue, avec pour corollaire une relative tendance à gommer les menus attendrissements qui signent les très grandes interprétations (Leontyne Price ou Katia Ricciarelli). La comparaison, inévitable, avec Anja Harteros devrait donner un intérêt tout particulier à la deuxième distribution qui débute en février. Piero Pretti campe un Comte Riccardo avec la vaillance et l'énergie d'une interprétation de haute tenue. Malgré un timbre pincé, il négocie les changements de registres sans sacrifier à l'émotion dans le redoutable Dì tu se fedele il flutto m’aspetta, ce qui n'est pas un mince exploit. Seul le Renato de Simone Piazzola peine véritablement à convaincre. L'émission souvent couverte ne laisse pas au phrasé et à la projection la dimension nécessaire pour incarner le rôle.
Varduhi Abrahamyan vibre exagérément son Ulrica, concentrant dans le bas du spectre une voix généreuse et charnue. Le Silvano satisfaisant de Mikhail Timoshenko est accompagné de belle manière par les deux conspirateurs Thomas Dear (Tom) et Marko Mimika (Samuel). Nina Minasyan emporte l'adhésion et l'enthousiasme avec un Oscar volubile et racé qui fait renaître le souvenir émouvant de sa Lucia de l'an passé ici même à Bastille.
Le chœur de l'Opéra de Paris préparé par José Luis Basso réalise une belle prestation dans ses interventions, notamment dans le dernier acte. La direction de Bertrand de Billy s'anime progressivement, faisant oublier les atermoiements et les imprécisions qui se multiplient dans l'ouverture et le premier acte. Insuffisant sans doute pour souligner les mérites d'un opéra qui gagnerait à être joué plus souvent .
Bonjour,
La robe d'Amélia n'était pas écarlate mais noire, c'est Ulrica qui avait larobe écarlate (voir photo). Une erreur de frappe peut être