Gioachino Rossini (1792–1868)
Il Barbiere di Siviglia (1816)

Commedia in due atti de Cesare Sterbini, d’après "Le barbier de Séville ou La précaution inutile" (1775) de Beaumarchais
Création le 20 février 1816 au Teatro di Torre Argentina, Rome

George Petrou (Direction musicale)
Hugo de Ana (Mise en scène, lumières, costume et décors)

Leda Lojodice (Chorégraphie)

 

Jack Swanson (Il Conte d’Almaviva)
Carlo Lepore (Bartolo)
Vasilisa Berzhanskaya (Rosina)
Davide Luciano (Figaro)
Alexander Vinogradov (Don Basilio)
Marianna Mappa (Berta)
Nicola Ceriani (Fiorello /Ambrogio)
Domenico Apollonio (Un Uffiziale)

Orchestra, Coro e Corpo di Ballo della Fondazione Arena di Verona

Production 2007

Arena di Verona 24 août 2024, 21h

Régulièrement à l’affiche depuis 1948, Il Barbiere di Siviglia est-elle une œuvre pour les vastes Arènes de Vérone ? La question se pose surtout lorsque la production proposée aux festivaliers est de piètre qualité et que la direction musicale peine à faire oublier les carences d’un spectacle émoussé. Malgré tout, ces réflexions existentielles n’ont pas eu l’air de préoccuper le public venu en grand nombre applaudir le 24 août dernier, une vision particulièrement frelatée du chef‑d’œuvre de Rossini.

Aussi populaires et grand public soient-elles, les Arènes de Vérone ne sont à l’évidence pas faites pour tous les répertoires. Ce grand théâtre à ciel ouvert a besoin d’effectifs nourris, de chœurs développés, de morceaux puissants et de scénographies généreuses, sans quoi elles n’ont plus de raison d’être. Si quelques titres moins ouvertement adaptés à cet immense plateau ont été tentés au siècle dernier (Roméo et Juliette, Les pêcheurs de perles, Le roi de Lahore…) les directions successives se sont bien gardées d’y donner des opéras-comiques (à l’exception d’une rare Veuve Joyeuse en 1999), ou des ouvrages baroques qui n’y auraient, par essence, pas trouvé leur place.

Opera léger, virtuose et tourbillonnant donné sur toutes les scènes du monde, Il Barbiere di Siviglia a‑t‑il besoin d’être joué aux Arènes ? La réponse est non, bien entendu. Et ce n’est pas cette version vieillotte, aux décors ridicules, mal jouée et mal dansée qui peut nous prouver le contraire. Hugo de Ana se contente de peu, déplace les personnages, telles des marionnettes, dans un théâtre de guignol aux couleurs flashy, où quelques murs de feuillage dominés par des roses géantes font croire à un jardin dans lequel Rosina est retenue prisonnière. Autour de cet espace s’ébattent d’inutiles figurants et pire encore de malheureux danseurs, contraints de s’abaisser à réaliser des chorégraphies d’un autre temps. Caricaturaux et livrés à eux-mêmes sans la moindre imagination, les artistes n’ont rien à défendre et l’on sent qu’ils ne sauvent les meubles que parce qu’ils sont capables de recycler ce qu’ils ont expérimenté sur d’autres productions. L’orchestre dirigé avec nonchalance par George Petrou, à peine audible, semble ne jamais jouer vraiment et finit par se démarquer des voix, différemment perçues que l’on soit dans les premiers rangs ou sur de lointains gradins. Difficile dans pareil contexte de préserver la fraicheur et l’intimité d’une intrigue malmenée par des effets scéniques tellement appuyés qu’ils détournent notre attention parasitée à chaque instant.

Les débuts in loco du ténor américain Jack Swanson, qui remplaçait Lawrence Brownlee initialement prévu, sont loin d’être indignes, mais après l’avoir vu et entendu à Pesaro dans des conditions normales, comment ne pas s’agacer de devoir assister à pareil simulacre ? Reconnaissons-lui de ne rien sacrifier au chant (la voix demeure habilement projetée), au style (jamais pris en défaut) et au respect des nuances, qui relève de l’exploit. Succédant à Jessica Pratt, la mezzo russe Vasilisa Berzhanskaya ne renouvelle pas son triomphe de la veille, superlative Corinna dans Il Viaggio a Reims de gala, proposé en clôture au Festival Rossini de Pesaro. Voix blanche et inexpressive, virtuosité en berne, présence scénique plus que discrète, elle passe pratiquement inaperçue, phagocytée par la personnalité solaire et survitaminée de Davide Luciano, impayable Figaro doté d’un instrument au métal vif et aux appréciables extensions dans l’aigu, que rien ni personne ne peut arrêter.

Comme dans la production pesaraise de Pier Luigi Pizzi évoquée plus haut, Carlo Lepore transpose aux arènes son savoureux Bartolo dont on admire le chant syllabique, Alexander Vinogradov s’avérant décevant dans le rôle pourtant payant de Basilio, tandis que Marianna Mappa compose une Berta passe-partout.

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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement

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