Vernissage presse le vendredi 11 octobre 2024 à 11h
Connu pour ses collections d’œuvres asiatiques anciennes, le Musée Cernuschi se donne également pour mission de faire connaître d’un plus large public la création de périodes plus proches de nous. Dans sa nouvelle exposition, il met à l’honneur trois peintres nés dans les années 1900, dans ce qui était alors l’Indochine, et qui ont su proposer une étonnante synthèse des traditions orientales et occidentales dans leur peinture et leur sculpture.
C’est peu dire qu’en France, on ignore leur existence. Le Musée Cernuschi, musée de la ville de Paris qui est dédié aux arts asiatiques, a eu l’excellente idée de consacrer sa nouvelle exposition à trois artistes vietnamiens qui ont traversé le XXe siècle et dont les liens avec notre pays sont évidents, même s’ils ont à présent un peu oubliés du grand public. Et s’ils sont méconnus, ce n’est pas « Parce qu’à prononcer leurs noms sont difficiles », mais tout simplement parce qu’ils se sont tenus à l’écart des grandes tendances de l’art international et qu’ils font donc partie des oubliés de l’histoire.
Mai-Thu (1906–1980), Lê Phô (1907–2001), et Vu Cao Dam (1908–2000) ont un point commun : tous trois ont étudié à l’EBAI. Fondée en 1925 par le peintre Victor Tardieu (père de l’écrivain Jean Tardieu), l’École des Beaux-Arts de l’Indochine, à Hanoï, accueillit pour cinq ans les deux premiers dans sa promotion inaugurale, et le dernier dès l’année suivante. Bien sûr, dans cette institution éminemment coloniale, les élèves sont formés aux règles de l’art occidental, mais Tardieu souhaite qu’ils ne perdent pas leur identité et, à côté de leçons de perspective et d’étude des modèles européens, il les encourage à copier les œuvres d’art de leur civilisation. Et la formation incluait aussi bien les beaux-arts que les arts décoratifs, dans le souci d’assurer aux diplômés de véritables débouchés professionnels. Les beaux esprits d’aujourd’hui auront donc tout loisir d’ajouter au crime de colonialisme celui d’orientalisme délibérément cultivé.
Ce qui frappe le visiteur, c’est aussi l’habileté avec laquelle ces artistes surent peu à peu combiner les traditions artistiques orientales et occidentales, comme l’illustrent bien les commandes de portraits qu’ils reçoivent dans les années 1940, qui allient la minutie du dessin réaliste à la quasi abstraction d’un décor sans profondeur. Un exemple frappant en est offert dès la première salle, avec les deux autoportraits de Mai-Thu, réalisés à une douzaine d’années d’intervalle : celui de 1927 est une huile sur contreplaqué, exécutée dans un style totalement « européen », avec un modelé réaliste dans la représentation ; celui de 1940, peint sur soie, en revanche, opte pour une sorte de ligne claire qui simplifie les formes et élimine les volumes. L’amateur occidental pense inévitablement à l’art de différent pays d’Extrême-Orient, peinture chinoise ou estampe japonaise.
L’exposition est complétée par des documents d’archives prêtés par les descendants des artistes, dont la collaboration a permis de préciser la trajectoire biographique des artistes, jusque-là encore mal connue.
Catalogue sous la direction d'Anne Fort Auteurs : Nadine André-Pallois – Anne Fort – Marie Garambois – Sarah Ligner – Martina Thucnhi Nguyen – Phuong Ngoc Nguyen – Phoebe Scott Éditions Paris Musées, Format 21 x 30 cm, broché, 208 pages, 200 illustrations
Tarif : 35 €
Ancien élève de l’ENS de la rue d’Ulm, auteur d’une thèse consacrée au romancier britannique Anthony Trollope (1815–1882), Laurent Bury est Professeur de langue et littérature anglaise à l’université Lumière – Lyon 2. Depuis un quart de siècle, il a traduit de nombreux ouvrages de l’anglais vers le français (Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, Orgueil et préjugés de Jane Austen, Voyage avec un âne dans les Cévennes de Stevenson, etc.) ; dans le domaine musical, on lui doit la version française du livre de Wayne Koestenbaum, The Queen’s Throat, publié en 2019 par les éditions de la Philharmonie de Paris sous le titre Anatomie de la folle lyrique. De 2011 à 2019, il fut rédacteur en chef adjoint du site forumopera.com, puis rédacteur en chef de novembre 2019 à avril 2020. Il écrit désormais des comptes rendus pour plusieurs sites spécialisés, dont Première Loge.