Programme

Ørjan Matre (né en 1979)
Different Stories (création mondiale)

Felix Mendelssohn (1809–1847)
Symphonie n°3 en la mineur op.56 "Ecossaise"

Stavanger Symphony Orchestra
Christian Vásquez, direction

Stavanger Konserthus, 19 avril 2018
L'orchestre dans sa salle : un petit Lucerne

Il y a toujours du plaisir à entendre de la musique remarquablement interprétée dans un auditorium aux qualités étonnantes : Stavanger, troisième ville de Norvège, a construit un auditorium exceptionnel, assez clairement inspiré de celui de Lucerne en version réduite, et du même coup, l’orchestre de la ville, le SSO-Stavanger Symphony Orchestra, sous l’impulsion de son chef Christian Vásquez, gagne ses galons de phalange de très grand intérêt. Elle le montre dans une soirée où est créée une pièce du compositeur norvégien Ørjan Matre Different stories, et qui se conclut par une très belle Ecossaise de Félix Mendelssohn.

 

Deux parties à ce concert, une création commandée par  l’orchestre du compositeur norvégien Ørjan Matre, et une seconde partie plus classique, la symphonie n°3 en la mineur "Écossaise" de Mendelssohn.

Ørjan Matre

Ørjan Matre est un compositeur norvégien né en 1979, formé en Norvège et qui a travaillé en résidence avec divers orchestres dont dernièrement  l’Oslo Philharmonic Orchestra. C’est un compositeur qui très tôt dans sa carrière a composé pour orchestre, dans des formats plutôt larges, ou même des formes de miniatures pour orchestre où il a particulièrement réussi. Il est aussi influencé par Gérard Pesson et Gérard Grisey.
L’œuvre qu’il vient de composer pour le Stavanger Symphony Orchestra « Different stories » est structurée en 5 épisodes Prologue, Refrain1, Aubade, Refrain2, Nocturne. Il y montre une grande maîtrise des couleurs instrumentales que ce soit les cordes ou les percussions, dont la palette est riche dans la partition. Plusieurs ambiances dans ces épisodes, le prologue sombre, le nocturne final à la couleur inquiétante. L’Aubade est particulièrement réussie, chant de l’aube du troubadour, ce moment où les amants se séparent et les refrains un peu explosifs qui se font écho autour de l’aubade sont surprenants également. On y note une grande richesse de l’instrumentation dans un style qui rappelle un peu Arvo Pärt en écho, mais aussi des rythmes syncopés, variés, des gradations de volume, une belle utilisation des cuivres et aussi des cordes. Un travail qui est bien valorisé par la clarté de la direction de Vásquez qui met en relief tous les plans sonores, parfaitement audibles, notamment dans cette salle à l’acoustique stupéfiante, et qui montre la très belle réponse  de l’orchestre, au son précis, sans bavures, et rend l’ensemble non seulement très intéressant, mais aussi souvent impressionnant dans la manière de spatialiser le son.

Ørjan Matre salue le public

La deuxième partie, plus traditionnelle affichait l’ "Écossaise" de Mendelssohn a permis de vérifier une fois de plus non seulement la qualité de l’orchestre, mais aussi la manière dont Christian Vásquez tient et accompagne ses musiciens. La symphonie "Écossaise", composée après un voyage en Écosse, a été achevée longtemps après, en 1842 et se trouve être la dernière de ses symphonies. L’interprétation qui nous a été offerte parfaitement maîtrisée montre un niveau enviable et la prestation a été de très haut niveau, avec des cordes très contrôlées souvent subtiles, des bois clairs sans scories, si sensibles au début. L’approche de Christian Vásquez, au niveau de la couleur, du tempo, reste d’un grand classicisme mais respire notamment dans le premier mouvement : le début un peu évocateur des brumes, avec de larges pianissimi, et une alternance de la voix qui va des violons (vraiment splendides) aux cuivres en sourdine, les parties lentes sont jouées avec une rare sûreté jusqu’à la partie poco agitato qui marque un sens des volumes très maîtrisé, d’une très grande clarté, favorisé par l’acoustique de la salle, avec une reprise du thème de manière allégée presque susurrée du plus bel effet. Les contrebasses dans la reprise du thème principal sont aussi impressionnantes. La fin du premier mouvement avec ses mouvements de vagues que Wagner reprendra de loin dans son Vaisseau fantôme créé à Dresde un an plus tard est menée avec énergie. Le deuxième mouvement est plus dynamique et demande à l’orchestre une vélocité accrue, les bois y sont notables, la clarinette surtout, et une fois de plus l’orchestre s’en sort avec tous les honneurs, et seulement quelque confusion dans les phrases les plus rapides. Dernières mesures splendides.
L’adagio (en la majeur), est particulièrement réussi, mené à tempo très lent, et de manière fluide, avec un rendu spatial très valorisé par la salle qui accentue la profondeur de l’approche. A noter les cors sans scories, les crescendos majestueux et larges et l’émotion qui s’en dégage et les pianissimi finaux. Grand moment.
Très rythmé, très puissant le début du dernier mouvement dont Dvorak se souviendra dans sa symphonie du Nouveau Monde, et où Mendelssohn se souvient lui de « La Grande » de Schubert. Là on aurait pu peut-être attendre un tempo moins lent, un rythme plus soutenu, et un peu moins lourd :  le majestueux final impressionne par la précision et le soin donné à la couleur, même si là aussi on aurait peut-être préféré une approche plus allégée.

Christian Vásquez et son orchestre

Il reste qu’une fois de plus on a pu constater le magnifique travail qu’effectue Christian Vásquez avec le SSO, qui n’a rien à envier à des phalanges plus prestigieuses. Ce Mendelssohn était plutôt classique d’approche, mais dans l’ensemble particulièrement convaincant et impeccable techniquement. Encore une fois une très belle soirée musicale à Stavanger.

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.
Crédits photo : © Siv Mannsåker (Ørjan Matre)
© Wanderersite (Concert)
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