Avant de terminer l’année à Budapest, Juan Diego Florez avait rendez-vous à Rome à l’Auditorium Parco della musica pour donner un concert en compagnie d’Antonio Pappano. Contraint de bouleverser légèrement le programme annoncé, en raison d’un refroidissement, le ténor péruvien s’est montré comme toujours extrêmement sympathique et professionnel, d’abord sur la réserve puis beaucoup plus à l’aise. Trop vaste pour une voix d’essence légère et au volume réduit, l’Auditorium romain n’est pas l’écrin idéal, mais Florez sait dépasser cet handicap. La qualité du timbre, la franchise de l’émission et la technique solide lui permettent de s’illustrer dans différents registres – trop peut-être ? – et d’alterner Mozart, Donizetti, Puccini, Offenbach et Verdi. L’air d’Alessandro issu d’Il Re pastore de Mozart, « Si spande il cielo in faccia » moins assuré qu’au disque (dans son récent album publié chez Sony) s’écoute agréablement, comme la « Furtiva lagrima » qui remplaçait le grand air de Rodrigo « Ah, come mai non senti » extrait de l’Otello de Rossini, la chanteur se donnant un peu plus dans celui de Roberto Devereux « Come uno spirito angelico » accompagné avec rigueur et doigté par la maestro Pappano, à qui l’on devait également plusieurs ouvertures (Nozze di Figaro, Orphée aux Enfers) et quelques morceaux choraux (notamment le « Va Pensiero » de Nabucco, choisis pour divertir le public entre deux interventions du ténor.
Spécialement abordé dans le cadre de cette longue tournée qui de Lucerne, à Malmö et de Mexico City à Bergamo a vu passer l’artiste péruvien, la « Légende de Kleinzach » extraite des Contes d’Hoffmann d’Offenbach a semblé dépasser les moyens du ténor. Aigu serré, timbre mat, ambitus restreint, cet Hoffmann émacié, n‘a pas réellement convaincu, malgré un français tout à fait correct ; espérons que l’Opéra de Monte Carlo où aura lieu cette prise de rôle prochainement, se révélera plus stimulant. Inattendu et impeccablement exécuté, l’air de Rinuccio « Avete torto » du Gianni Schicchi puccinien qui remplaçait le romantique « Che gelida manina » de La Bohème, ralliait fort heureusement les plus sceptiques, Florez concluant sa prestation avec « La mia letizia infondere » d’I Lombardi de Verdi, cabalette comprise, sur une belle ovation.
Ayant retrouvé la pleine possession de son instrument le ténor n’a pas hésité à remercier son public avec quatre bis, trois spécialement accompagnés à la guitare et où sa voix suave aux aigus soigneusement filés a fait sensation (ah ce « Cucurrucucu »…), avant de se retirer non sans avoir retrouvé la baguette et l’orchestre enthousiasmant de l’Accademia Nazionale di santa Cecilia pour un ultime et festif « Granada ».