Programme

Paolo Tosti (1846–1916)

« L’ultima canzone »
« L’alba separa dalla luce l’ombra »

Giacomo Puccini (1858–1924)

« E lucevan le stelle » (Tosca)
« Terra e mare » (Mélodie)
« Menti all’avviso » (Mélodie)
« Torna ai felici di » (Le Villi)

Giuseppe Verdi (1813–1901)

« Tutto parea sorridere » (Il Corsaro)
« Quando le sere al placido » (Luisa Miller)

Chanson traditionnelle napolitaine

« Core ‘ngrato »

Michael Fabiano, ténor
Jonathan Papp, piano

Église de Verbier, dimanche 17 juillet 2022 à 11h

Initialement prévu pour ce récital, le ténor Freddie de Tommaso s’est vu contraint d’annuler sa venue à Verbier. C’est ainsi Michael Fabiano qui a pris sa place et proposé au public du festival, dans le cadre intimiste de l’église de Verbier, un programme d’airs d’opéra et de mélodies italiennes. Le ténor américain y a montré une technique remarquablement solide ainsi qu’un grand sens du style, qui le confirment comme l’un des meilleurs interprètes du répertoire lyrique. 

Ce sont des débuts au pied levé pour Michael Fabiano au festival de Verbier, après la défection du ténor Freddie de Tommaso : alors que ce dernier s’est vu contraint de renoncer à son récital pour des raisons de santé, son collègue américain a pris la relève en moins de vingt-quatre heures, concoctant un programme de grands classiques du répertoire lyrique et de la mélodie italienne, accompagné par le pianiste Jonathan Papp.

Dans l’écrin intimiste de l’église de Verbier, la voix du ténor Michael Fabiano apparaît d’emblée hors-normes, remplissant l’espace avec l’intensité que l’on réserve aux grandes scènes. Il y a, pour l’auditeur, un plaisir évident à cette performance vocale, un plaisir évident à sentir la puissance de la voix lyrique sans que celle-ci ne se délie dans un grand espace. On se demande d’abord si ce déploiement de moyens ne va pas être source de fragilités ou de fatigue pour le chanteur, mais c’était sans compter sur la solidité de sa technique, sur son soutien infaillible, et sur l’absence totale de tension dans l’émission du son. D’un bout à l’autre du récital, la voix est également assurée et homogène sur l’ensemble de la tessiture ; car les aigus de Michael Fabiano sont d’une richesse harmonique tout à fait superbe, trouvant la juste couverture – ce qui apparaît de manière d’autant plus frappante en l’entendant dans une salle aux dimensions réduites.

Après tous ces éloges, on ne fera qu’un reproche : une petite salle étant précisément l’occasion de se permettre toutes les nuances, toutes les délicatesses de diction qui se perdraient sur une grande scène, la voix aurait gagné à ne pas être toujours à la recherche de l’efficacité sonore mais à déployer une palette d’effets plus large. A être parfois davantage dans le texte que dans le chant. Mais cette remarque vaut dans un monde idéal où un chanteur aurait le temps de s’imprégner de l’acoustique des lieux et de lui préparer le programme le plus adéquat – deux paramètres sur lesquels Michael Fabiano, on le sait, n’a malheureusement pour lui pas eu de prise.

La succession d’airs de Tosti, Puccini et Verdi fut donc l’occasion d’entendre le ténor dans son répertoire de prédilection, qu’il interprète depuis quelques années un peu partout dans le monde. Comptant parmi ses rôles fétiches, Cavaradossi et Rodolfo de Luisa Miller figurent évidemment au programme et mettent en lumière l’expérience des grandes scènes que possède Michael Fabiano : le regard est habité, le geste est ample et démonstratif. Tout concourt à remplir l’espace et à se faire comprendre, dramatiquement, jusqu’au dernier rang de la salle. C’est d’autant plus surprenant lorsqu’on entend Michael Fabiano s’adresser au public entre chaque air, avec tellement de simplicité : il y a chez lui une rapidité de concentration et de mobilisation de ses moyens assez précieuse dans le cadre d’un récital, lui permettant de passer d’un rôle à l’autre sans temps mort, et de s’y plonger dès les premières mesures.

Parmi les pièces du programme, on retiendra particulièrement « Torna ai felici di » (Le Villi) ainsi que « Tutto parea sorridere » (Il Corsaro), devenu l’un des chevaux de bataille de Michael Fabiano. Le ténor en manie remarquablement les pages lyriques comme les pages héroïques et ne manque pas de provoquer l’enthousiasme du public, sensible à la vaillance exigée par le rôle. Mais au-delà des qualités techniques dont le ténor fait preuve (et que ce genre d’air est fait pour exalter), c’est le relief expressif et musical dont il est capable qui convainc le plus. Cela passe également par une très belle diction italienne, à la fois souple et acérée, qui donne ailleurs dans le programme leur couleur si particulière aux mélodies napolitaines et aux mélodies de Tosti : avec « Core ‘ngrato » et « L’ultima canzone », Michael Fabiano montre sa maîtrise du style, passant de l’opéra à la mélodie en adoptant pour chacun un phrasé et un esprit particuliers.

Si le pianiste Jonathan Papp reste en retrait par rapport au ténor, et ne fait pas preuve de beaucoup d’expressivité, il ne faut pas oublier qu’il n’était peut-être pas familier de certaines pièces du programme. Mais son jeu recherche davantage l’efficacité que la nuance, et le son brillant et net qu’il tire du piano aurait mérité plus de moelleux et de souplesse dans certains airs, où la seule vaillance n’était pas de mise.

Michael Fabiano et Jonathan Papp ne sont en revanche pas avares de bis, choisis parmi les tubes du répertoire : « Ma se m’è forza perderti » (Un Ballo in maschera), le « Lamento di Federico » (L’Arlesiana), « Nessùn dorma » (Turandot), « Core ‘ngrato » et enfin « Addio fiorito asil », chanté par Pinkerton au dernier acte de Madama Butterfly. Là encore, la maîtrise technique et stylistique du ténor, ainsi que la beauté du timbre, ressortent de manière d’autant plus frappante que les airs sont célèbres, même si l’on a connu des interprétations plus fines et ciselées.

Ce sont donc des débuts remarqués au festival de Verbier, devant un public particulièrement enthousiaste, et qui confirment Michael Fabiano comme l’un des grands interprètes du répertoire lyrique. Un chant sans doute un peu démesuré pour l’intimité du récital, mais le plaisir à l’écouter n’en est pas moins grand.

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Claire-Marie Caussin
Après des études de lettres et histoire de l’art, Claire-Marie Caussin intègre l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales où elle étudie la musicologie et se spécialise dans les rapports entre forme musicale et philosophie des passions dans l’opéra au XVIIIème siècle. Elle rédige un mémoire intitulé Les Noces de Figaro et Don Giovanni : approches dramaturgiques de la violence où elle propose une lecture mêlant musicologie, philosophie, sociologie et dramaturgie de ces œuvres majeures du répertoire. Tout en poursuivant un cursus de chant lyrique dans un conservatoire parisien, Claire-Marie Caussin fait ses premières armes en tant que critique musical sur le site Forum Opéra dont elle sera rédactrice en chef adjointe de novembre 2019 à avril 2020, avant de rejoindre le site Wanderer.
Crédits photo : © Agnieszka Biolik

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