Programme
Hans Adolf Hasse (attr. François Xavier Richter) : Fugue et Grave en sol mineur
Johannes Brahms : Concerto pour violon enmajeur, op. 77
Wolfgang Amadeus Mozart : Adagio et fugue en ut mineur, K. 546 ; Symphonie n°41 en ut majeur, K. 551

Isabelle Faust, violon
Orchestre de Paris
Klaus Mäkelä, direction

Philharmonie de Paris, Grande Salle Pierre Boulez, le 17 février 2022

Après plusieurs séries probantes dans le répertoire postromantique (notamment dans Mahler 5 et 1), il était légitime d’attendre Klaus Mäkelä au tournant du classicisme. Et au demeurant, son Brahms, encore assez peu entendu, peut relever de la même attente. Ses vertus de calme, de souci de la cohérence sonore et de la continuité rythmique semblent le prédestiner à faire non seulement le métier, mais le faire mieux que ce que la majorité des grandes pointures de la direction contemporaine ont proposé dans la musique composée entre 1750 et 1830 – du moins, à la tête de phalanges traditionnelles et généralistes. C'est, on le sait, une tâche devenue ardue du fait des écueils nés de la spécialisation stylistique des orchestres, qui a entraîné une sorte de dénaturalisation. L'espoir de l'époque et des générations émergentes devrait être celui d'une réappropriation comparable aux dédramatisations qui se sont imposées quant à la pratique des répertoires romantiques et modernes.

C’est un des enjeux centraux attachés à la prise d’une direction d’orchestre permanent, résidant d’une grande institution aujourd’hui : comment construire à la fois des saisons riches, une culture approfondie des textes, et une identité technique et sonore en jouant trois siècles de musique (et pas aux trois quarts la musique composée entre, disons, 1810 et 1910). Il est évident que certaines contradictions internes à ces exigences grandissent à mesure que le temps passe. Naturellement, on ne peut pas demander à un orchestre de jouer à égalité Mozart, Debussy et Carter en développant une affinité instinctive avec le style de chacun, qui se comparerait, par exemple, au degré d’idiome que certaines formations, principalement germanique et d’Europe centrale, entretiennent avec leur coeur de répertoire national. Pour autant, l’idée d’excellence dans un répertoire international et allant du classicisme à la modernité a été consubstantielle à l’idée du grand orchestre moderne, et cette polyvalence est dans bien des cas inséparable de l’identité propre de certaines institutions d’excellence – en particulier les Berliner, les trois grands orchestres londoniens, ou les orchestres de Boston ou de Cleveland. C’est cette idée précise qui est, depuis le début de ce siècle, interrogée par l’évolution des rapports aux répertoires. Et c’est la possibilité de sa régénération qui est un des défis posés aux générations émergentes de directeurs musicaux.

Un programme largement dix-huitièmiste, impliquant une formation généraliste et son chef principal de vingt-huit ans pose donc le problème de la normalisation, ou de la digestion des évolutions interprétatives des trente dernières années et des conflits afférents, à un degré encore plus critique que pour leur Beethoven inaugural. Il s’agit moins d’improbables synthèses stylistiques (qui ont vocation à exister, là n’est pas la question) à trouver, que de renouer avec une forme de spontanéité, et par là de nécessité de l’interprétation de ce répertoire. Ces considérations sont largement indépendantes des aspects techniques, de modes de jeu et d’instrumentarium. Le point décisif est d’éviter ce qui, depuis le début de ce siècle, a été la marque de trop nombreuses exécutions du répertoire XVIIIe par les grands orchestres : un exercice de style, d’imitation des supposés experts. Or, qui dit exercice dit scolaire, et la substitution du formalisme de l’historicisme à celui de la tradition a produit surtout de l’académisme dégradé, du mimétisme sans contenu, bien loin de l’idée de dépoussiérage vantée par le marketing. Aujourd’hui, pour un Heras-Casado ou un Jurowski, combien de succédanés d’interprétations se contentant d’afficher le dégraissage sur la balance ?

Éviter cet écueil n’immunise évidemment pas contre l’ennui. Faire du Mozart à la Muti ou à la Barenboim semble désormais quasi réservé à Muti et à Barenboim. Et personne n’a trouvé ce que serait une sorte de synthèse, parce qu’on ne peut guère synthétiser des perspectives liées à des contextes différents d’appropriation du style et de la tradition : c’est un enjeu de subjectivité et presque d’intimité. En fait, tout porte à croire que le vrai problème soit de reconstruire des rapports personnels, non seulement au répertoire dix-huitiémiste, mais à l’articulation de celui-ci aux répertoires ultérieurs (et éventuellement antérieurs) : c’est depuis toujours dans cette seule perspective que les tensions partisanes ont un sens et un intérêt. De même qu’on a écouté Mozart différemment après Beethoven, Brahms autrement après Schoenberg, le style d’interprétation de la musique du XVIIIe siècle évolue non seulement en fonction d’avancées philologiques, mais en fonction de l’évolution du style d’interprétation de la musique des XIXe et XXe siècles. Dans cette perspective, il se profile pour le répertoire classique un mouvement analogue à celui amorcé avec Bruckner et Mahler : une normalisation du rapport passionnel qu’a entrainé, pour l’un la révolution baroque, pour l’autre l’engouement fanatique à l’égard d’un nouveau coeur de répertoire. Et Mäkelä promet, semble-t-il, cet horizon (trop) idéal où les nouvelles générations pourraient se réapproprier un Mozart de langue maternelle, ayant reçu en héritage un Mahler passé dans la langue maternelle. Comme si une convergence pouvait se faire entre la manière de ce très jeune chef (espérons-le, de quelques autres) et celle de certains des plus capés des vétérans – la question de la manière ultime, et du sens de l’ultime manière de certains grands maîtres, hier Haitink ou Abbado, aujourd’hui Dohnanyi ou Blomstedt. Une telle convergence serait double : tirant la même fraîcheur de la juvénilité et de la sagesse, elle serait aussi le point de rencontre improbable du meilleur des deux mondes stylistiques pour l’interprétation du classicisme. Mais avec le recul, nous ne verrons probablement pas cela comme une synthèse, mais comme un dépassement, encore que dans un sens peu dialectique, mais plutôt sédimentaire. Comme chez Huxley, le contrepoint des êtres et des idées n'est pas celui des notes.

Voilà pour les idéaux. En pratique, le Mozart du prodige finlandais n’atteint pas à l’évidence, à la lumière tranquille de son Mahler. Mais le chemin promet, et il faut garder à l’esprit que c’est aussi à l’orchestre de le parcourir. Pour cette première station, et alors que l’OP continue d'enchaîner les premiers violons solos invités, il s’est offert les services de Raphaël Christ, concertmaster de l’orchestre Mozart de Bologne et bien connu pour ses apparitions précoces à sous la baguette d’Abbado, dans de légendaires concerts avec avec le GMJO (à ce poste déjà) ou avec Lucerne (en chef d’attaque des seconds violons). Le résultat ne déçoit pas et le quintette se place sans peine dans l’alignement franc et droit de cet archet autoritaire sans être trépidant. Combinée avec l’attention usuelle de Mäkelä pour la chaleur de texture et le poids des basses, cette rectitude laisse augurer d’un Adagio et fugue de premier ordre. Ce qu’on entend demeure légèrement en deçà de la promesse : clarté et énergie sont indéniables, mais la délicate progression dynamique à plusieurs paliers résiste au sens architectural de Mäkelä : ou peut-être, manque-t-il ici l’accord entre la conception d’ensemble du son (avec un effectif assez fourni, quoique non romantique) et celle du discours, de sorte que les deux semblent hésiter entre deux esthétiques. Sans être molle, la conduite du contrepoint manque du rebond nécessaire à l’influx d’un sujet qui dépend à l’excès de ses trois premières notes. Or, celles-ci oscillent entre la traditionnelle scansion et un phrasé les liant davantage au reste du motif. Peut-être aussi le traitement du contre-sujet manque-t-il d’une verve susceptible de faire vivre le tissu de l’intérieur, et avec lui une tension rythmique qui paraît ici insuffisante. Cette exécution n’a pas le scolaire qui en singe d’autres, mais est simplement sage – belle et sage – : on en retient surtout la réussite de l’adagio, d’une gravité élégante, non forcée. Ce dont on restera frustré est assurément la sorte de plongée dans le sombre brasier de la résolution finale – anodine.

L’appropriation du dramatisme assez différent du Fugue et grave nous convainc davantage. On ne s’étendra pas ici sur le sujet, mais notons au passage la curieuse omission dans le programme de toute référence, ou expression de prudence, quant à l’incertitude quant au compositeur de cette très belle partition, dont la paternité est ici renvoyée au seul Hasse sans mention de la fréquente attribution à F‑X. Richter. Mäkelä a en tout cas eu une riche idée de s’en emparer, car il y prouve sans peine que, occasionnellement du moins, le jeu moderne sur instruments modernes garde sa pertinence dans un répertoire pré-classique – c’est en général plus souvent le cas quand les instruments d’harmonie, et surtout les voix sont absents. Bien sûr, le matériau thématique est beaucoup moins complexe et ambigu que celui de Mozart, tout en offrant les mêmes charmes vénéneux de la combinaison contrepoint-chromatisme débridé. L’approche privilégiée est la douceur continue qui convient au profil doloriste du sujet principal, et sans laquelle les nombreux effets opératiques qui scandent l’articulation du discours perdraient de leur attrait. Ce traitement d’une grande finesse de trait ne tiendrait pas la distance (d’autant qu’elle est assez grande avec le da capo) sans qu’un grand soin ne soit apporté à la qualité d’intonation et à l’unité des pupitres, autrement dit sans une chair sonore flatteuse : ce qui est le cas, et le reste pour la suite du programme.

Rapportée à l’étalon des Berlinois de Barenboim entendus quelques mois plus tôt dans la Jupiter, l’OP ne démérite pas, surtout eu égard à son manque de familiarité avec l’orchestre mozartien. Occasionnellement, et malgré l’engagement infaillible du hautbois de Pastor Burgos (Ah ! ces traits conclusifs à découvert dans le menuet…), la petite harmonie se montre moins tranchante et unitaire que dans les récents Brahms et Mahler, mais c’est tout relatif. Comme attendu, la direction de Mäkelä vise à l’intégration polyphonique sans effets de découpage dans la texture. La conception du son, évidemment orientée vers la chaleur et le goûteux sans lourdeur, est là bien alignée avec celle du discours : l’ambition d’une saisie organique de la forme s’affirme. Le trait extérieur le plus remarquable est l’observance de la quasi-totalité des grandes reprises, devenue rare (rappelons que Barenboim les éliminait toutes) : celles du I, de la première du II et des deux du IV. La Jupiter a ceci de commun avec la Linz que l’observance des reprises, singulièrement dans le mouvement lent, change tellement les proportions ressenties de l'œuvre qu’il faut en tirer des conséquences quant à l'interprétation. La plus évidente étant qu’il convient de ne pas la charger d’interventionnisme. L’entame légèrement bousculée fait naître quelques craintes à cet égard et rappelle que le nouveau directeur musical, même si le profil de la plupart de ses interprétations est celui de vieux sages, est encore un impétueux même pas trentenaire. Mais heureusement, sa faculté d’énoncer propositions principales et subordonnées, phrases et paragraphes, sans manquer ni forcer le sens et en respectant la ponctuation, ont tôt fait de canaliser une énergie dès lors efficace. Les textures, si délicates à équilibrer dans l’allegro, ont ce qu’il faut de cuivré légèrement accidenté (typiquement, dans les longues progressions de cordes et cors) sans en céder à la plénitude du quintette, indispensable à la justesse perçue. Le seul aspect un peu perfectible est la conduite du développement, dont on sait que sa brièveté le rend très sensible à l’observance de la reprise précédente : il a alors tendance à être neutralisé, sauf à lui trouver, notamment dans l’articulation des bois, un caractère spécial, qui manque cette fois.

Du caractère, il y en a à un degré appréciable dans l’andante, qui peut s’appuyer à son tour sur un travail abouti sur les alliages de timbres et la continuité logique des phrasés. Même sans parvenir tout à fait à la même immédiateté d’expression que Barenboim, Mäkelä obtient un des résultats les plus exigeants : la permanence du pas, la force d’une motricité discrète et indispensable au lyrisme de sarabande. Le dramatisme du début de la seconde partie n’est pas éludé, et la très délicate série de transitions qui ramène au matériau initial s’enchaîne avec aisance. Si une certaine absence de prise de risques en est le prix convenu, elle est compensée par un menuet des plus personnels, s’autorisant le recours à l’ornementation dans le trio, et jouant de la licence d’asymétrie lors du da capo – ici, une modification des rapports dynamiques avec toute la première partie du thème jouée piano. C’est dans ce mouvement que l’on doit le plus saluer le soin mis au caractère expressif, au trait inexorable du matériau, sans recours à des effets de contrastes.

La fugue y a davantage recours, mais en restant dans des limites raisonnables – on peut, ou non, se laisser convaincre par quelques coutures apparentes, comme ces crescendos subito à la fin des traits de strette des violons pour recharger d'énergie le contre-sujet (ci-dessus). L’engagement de l’orchestre tient la distance de la double reprise, tandis que l’ordre discursif règne :  l’on remarque notamment l’attention portée à la lisibilité du contrepoint au sein du quintette. Aspect pré-beethovénien essentiel de ce finale, la dimension structurelle de la partie de timbales est bien servie par Javier Azanza Ribes, qui impose son sens de l’anticipation et du rebond – une autre amélioration fondamentale du niveau général de l’OP, même si une marge existe encore pour atteindre la finesse d’interaction entre timbales et attaques globales de l’orchestre qui caractérise les toutes meilleures phalanges mondiales. En définitive, cette approche assez sage mais très solide gagne à augmenter, et dans le cas de la fugue doubler la durée des événements : le fondement discursif d’une telle interprétation étant de laisser la tension venir par cumulation, par le travail du matériau sur lui-même, c’est un projet qui épouse les qualités premières de Mäkelä. Et si ce n’est pas, au fond, le caractère spectaculaire de la virtuosité d’écriture qui est ici flatté, la dimension de couronnement de l’édifice est palpable, et se rapporte davantage à l’architecture de toute la symphonie qu’au tour de force contrapuntique. Même si le style sonore reste à affiner, ce qui ne pourra se faire qu’en augmentant la familiarité de l’orchestre avec le répertoire, il semble y avoir là une stratégie gagnante pour le classicisme – plus probante que dans la 7e de Beethoven où il était plus difficile de canaliser l’intensité de jeu sur le long terme.

Même si l’on n’a pu y assister cette fois, on espère que le violoncelliste Mäkelä instaurera l’habitude de jouer en musique de chambre avec les musiciens de l’orchestre avec certains de ses solistes invités. D’autant que si ceux-ci sont souvent de la trempe d’Isabelle Faust, les effets sur la maturation du musicien ne pourront qu’être bénéfiques. Au demeurant, aucun violoniste ne pouvait constituer un meilleur choix pour intégrer le cheval de bataille du concerto romantique dans un programme ou, a priori, il n’avait pas grand chose à faire. Rappelons que Faust, en témoigne sa magistrale discographie, fait partie des rares violonistes – indépendamment du fait que notre époque regorge d’archets phénoménaux – à avoir renouvelé l’approche stylistique des piliers du répertoire, du XVIIIe au XXe siècle. Et c’est certainement dans Brahms que le passage à un allègement de l’imaginaire sonore et à une plus grande intimité de ton paraissait le moins évident. Mais c’est aussi là où sa marque pourrait rester la plus probante (pour ce qui est du répertoire concertant), car ce qu’elle y a réalisé et démontre toujours, dix ans après son enregistrement avec Harding, est particulièrement rare – au demeurant, même sans sa puissante originalité, l’interprétation faustienne serait indispensable à tout mélomane par sa très rare utilisation, dans ce concert encore, de la belle cadence de Busoni, dont la splendide harmonisation finale est une des matérialisations les plus singulièrement lucides de ce que l’histoire de la musique a, avec le recul des décennies, consacré comme la filiation stylistique de Brahms à Schoenberg .

Il serait paresseux de résumer cette originalité à une approche chambriste de l'œuvre. Chambriste suppose un état d’esprit, une forme d’écoute, qui n’est pas nécessaire, voire pas souhaitable pour accomplir le pas de côté qui substitue un dialogue riche et détaillé à la traditionnelle lutte héroïque entre le fragile soliste et un orchestre massif et oppressant. Il va sans dire que le rôle du chef est ici décisif, et que les qualités individuelles et l’implication des membres de l’orchestre ne suffisent pas. Bien sûr, il y a Miriam Pastor Burgos, dont on a assez tressé les lauriers dernièrement pour que, dans cette partition, il ne soit pas besoin d’y revenir. Son premier trait, et bien évidemment le solo du II sont les plus majestueux et à la fois raffinés qu’on ait écoutés en salle depuis ceux de Devilleneuve avec Kavakos et l’OPRF, voici onze ans. Mais il y a plus important, qui est que des traits d’orchestre, les siens et d’autres non limités aux solos, il y en a davantage qui saillissent qu’à l’accoutumée. Parce que la pâte sonore est un peu désépaissie, certes, parce que Mäkelä, sans effets de loupe, est attentif aux jeux d’imitations souvent amalgamés dans le maelström, et aussi, surtout, parce que Faust transforme comme toujours son petit son en outil discursif d’une diabolique intelligence, comme une baguette de sortilèges sonores propre à faire apparaître ici un rappel de thème, là un contrepoint d’imitation dont l’attention est d’ordinaire détournée au profit du continuum des traits de virtuosité. Par moments surgit une étreinte poignante et rarement entendue, comme ce contrechant des violons répondant à la tragique déclamation soliste ouvrant le développement de l’adagio (ci-dessus).

Mais l’enjeu dépasse l’effet local ou l’effort analytique. Ainsi, parmi d’autres conséquences importantes, s’impose l’importance structurelle de la dramatique progression harmonique de la deuxième phrase de l’introduction orchestrale, qui se meut habituellement dans l’ombre telle une lourde bête tapie, quand elle n’est pas inaudible lors de ses deux réapparitions : ici, les grandes enjambées d’intervalles de Faust forment comme une claire-voie posée contre la lente phrase ascendante et son arabesque conclusive, substituant au cliché des brumes nordiques une subtile texture mordorée, et surtout faisant justice à l’ingéniosité lyrique et polyphonique du texte. L’exemple est un peu facile, mais l’autre incarnation de cette vision de l’oeuvre serait le thème de hautbois de l’adagio, non pour son exposé initial, mais pour sa répétition vers la fin du mouvement, que l’on entend si rarement énoncée au-dehors, de la première à la dernière note, l’attention étant captée par les broderies solistes : lesquelles, ici encore, se suspendent en voiles ajouré sur le thème.

En mettant partout de la transparence, cette vision réussit à donner à l'œuvre sa place dans ce programme construit autour du classicisme et du contrepoint. Comme le rappelait déjà le concert de Blomstedt en fin d’année dernière, les traits constitutifs de la modernité d’écriture brahmsienne sont largement les mêmes que ceux qui le tirent vers un classicisme presque primitif. On devrait entendre plus souvent les concertos brahmsiens comme des symphonies, ce qui suppose ce mouvement paradoxal d’allègement pour mettre au jour la richesse du tissu polyphonique, et le rôle essentiel de l’imitation, de la circulation savante et sensuelle non seulement des thèmes et des idées, mais des échos de thèmes et des ébauches d’idées ; et par cela, l’aspiration à une poésie sonore libérée de toute représentations psychologiques, de toutes préconceptions.

 

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Théo Bélaud
Né en 1984 dans le Pas-de-Calais, Théo Bélaud fait ses études de philosophie à Lille, et débute dans la critique musicale en 2007. Collaborateur à Classiqueinfo ou Actu-philosophia, il étudie notamment l’œuvre de Charles Rosen, dont il a traduit et présenté Musique et sentiment & autres essais (Contrechamps, 2020).
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