Jacques Offenbach (1849–1880)
Maître Péronilla (1878)
Opéra-bouffe en trois actes
Livret et musique de Jacques Offenbach
Créé au Théâtre des Bouffes Parisiens le 13 mars 1878

Véronique Gens (Léona)
Antoinette Dennefeld (Frimouskino)
Chantal Santon-Jeffery (Alvarès)
Anaïs Constans (Manoëla)
Diana Axentii (Paquita / Marietta / Rosita)
Éric Huchet (Maître Péronilla)
Tassis Christoyannis (Ripardos)
François Piolino (Don Guardona)
Patrick Kabongo (Vélasquez Major)
Loïc Félix (Vélasquez Junior)
Yoann Dubruque (Le Marquis Don Henrique)
Matthieu Lécroart (Don Fabrice / Premier Juge)
Raphaël Brémard (Le Notaire / Pédrillo)
Jérôme Boutillier (Le Corrégidor / Brid’Oison / Juanito)
Philippe-Nicolas Martin (Félipe / Antonio / Deuxième Juge)
Antoine Philippot (Le Majordome / L’Huissier / Un Valet)

Orchestre National de France
Chœur de Radio France
Marc Korovitch (Chef de chœur)
Markus Poschner (Direction musicale)

2 CD Editions du Palazzetto Bru Zane
BZ-1039 / 978–84-09–15588‑0

Enregistrement réalisé au Théâtre des Champs-Élysées les 31 mai et 1er juin 2019

Nouvel opus offenbachien proposé par les Editions Palazzetto Bru Zane après La Périchole dirigée par Marc Minkowski (octobre 2018), une rareté, avec ce Maître Péronilla, opéra bouffe composé deux ans avant la mort du compositeur. Œuvre de la maturité, lestée par un livret médiocre, cette espagnolade vive et colorée est heureusement servie pas une distribution spéciale « chant français » de tout premier ordre.

Passé la plaisir procuré par la découverte d’une œuvre quasiment oubliée, nous voilà rapidement confrontés à la réalité : était-il nécessaire de la ressusciter ou valait-il mieux la laisser s’empoussiérer sur les étagères d’une antique bibliothèque ? Bien sûr Offenbach n’est pas n’importe qui et l’on comprend ce qui a pu motiver l’équipe de chercheurs et de musicologues du Palazzetto Bru Zane, toujours à l’affût d’une perle rare. Le Maître Péronilla en question, est une œuvre tardive créée en mars 1878 dans un contexte particulier puisque le compositeur doit abandonner ses Contes d’Hoffmann et se voit contraint de reporter la première de sa Madame Favart au Théâtre des Bouffes Parisiens, en raison du succès retentissant rencontré par Les cloches de Corneville de Planquette. Offenbach se jette donc comme un beau diable dans l’écriture de cet opéra-bouffe dont l’intrigue située en Espagne titille fortement cette veine hispanisante qui lui a toujours porté chance tout au long de sa carrière. Pourtant malgré le rythme bondissant qu’il s’ingénie à insuffler à son ouvrage, le mélange assumé des styles qu’il se plait à établir pour faire s’entrechoquer les sonorités les plus contrastées et qui sont sa marque de fabrique, la réussite n’est pas totalement au rendez-vous. Le livret dont Offenbach a hérité après la défection de plusieurs bons faiseurs, est invraisemblable et l’intrigue qui tourne autour d’un double mariage forcé empêché in extremis, perd de sa consistance à mesure que la partition avance, dans une succession de micro-événements défendus par une noria de personnages aux intérêts divergents. L’auteur de La Belle Hélène et de La Périchole n’est pas un librettiste éclairé et montre ses limites en termes d’inventivité, de relance et de bons mots. Pour contrebalancer ce qu’il sait être son talon d’Achille, Offenbach s’amuse cependant à réutiliser les « formules » musicales qui ont fait sa gloire, convoquant ici le souvenir de Fantasio (Romance d’Alvarès « Quand j’ai dû, la mort dans l’âme »), là l’écho de La grande Duchessse de Gerolstein (Air de Leona au 1er acte « Il était un joli jeune homme ») ou plus loin avec l’évocation de La vie Parisienne que l’on retrouve dans le Rondeau « Je pars, je vais, je vole » débité à toute vitesse à l’acte 2 par Frimouskino, qui n’est pas sans rappeler le traitement infligé à celui du Brésilien…Si l’humour déjanté fait place à un demi caractère plus mesuré, Offenbach ne craint pas d’écrire pour toutes les tessitures et de brasser large puisque la distribution compte une vingtaine de rôles qui chantent bien sûr, mais parlent également beaucoup, comme dans la plupart de ses ouvrages précédents.
Disparu de l’affiche un an après sa création, Maitre Péronilla n’a été repris qu’une fois au 20ème siècle, et encore, dans une version abrégée. C’est donc pour réparer cet oubli que les forces du PBZ se sont attelées à redonner vie à cette œuvre jouée en concert à Paris au TCE en juin 2019 et enregistrée à cette occasion (31 mai et 1er juin). Cravache à la main, Markus Poschner endosse sans la moindre hésitation les attributs du chef rompu à la fantaisie du discours offenbachien et entraine sur sa lancée les pupitres galvanisés du National de France. Sa direction est pétillante, joyeuse et d’une constante nervosité surtout au premier acte, de loin le plus réussi, très adaptée aux références espagnoles que l’on perçoit dès l’ouverture. A l’aise pour discipliner les scènes de foule comme dans le brillant finale du un « Plus de chants, plus de noce », Markus Poschner peine cependant à pallier les baisses de régime qui entachent le second acte où l’ennui s’installe, ainsi qu’au suivant mal ficelé, qui se déroule au Palais de Justice. Antoinette Dennefeld, Véronique Gens, Tassis Christoyannis et Chantal Santon-Jeffery tirent leur épingle du jeu en se distinguant soit par leur faconde (le Frimouskino de Dennefeld est plein d’ardeur et d’entrain), leur humour et leur justesse (Gens est très drôle dans la Ballade de la Belle espagnole confiée à la très sanguine Leona), ou leur présence vocale autant que théâtrale (Christoyannis possède un charme fou). Eric Huchet n’a aucun mal à déceler les éléments comiques qui constituent son personnage de Péronilla et dont les couplets du Chocolat « Oui, je le dis et m’en fais gloire » (acte 2) sont impayables, tout tomme sait le faire son complice François Piolino, inénarrable en vieux barbon (Don Guardona), l’équipe largement francophone comptant également parmi elle Anaïs Constant, charmante Manoëla, ainsi qu’une pléiade de petits rôles, sans oublier l’excellent Chœur de Radio France.

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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement
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