Paris, Maison de Radio-France, Auditorium, le 16 décembre 2018

Les années, les décennies passent, le magicien de Hambourg continue d’étonner, et d’instruire : en raffinant toujours un art d’une infinie exigence, pour lui-même, pour l’auditeur. A force de le mûrir, de remettre notamment sur le métier ces Goldberg depuis trente ans, Koroliov en a progressivement retiré toute trace de démonstration, de systématisme, d’affirmation de magistère. Se révèle à présent une manière interprétative aux contours uniques, à la fois gai savoir et artisanat furieux : l’un, car dans ce geste d’incarnation du texte, tout signifie et rien n’est psychologique ; et l’autre, car dans cette manière de toucher le clavier, la recherche d’intégration de tous les possibles va si loin que les enjeux technico-stylistiques s’effacent, pour laisser place à un absolu rhétorique, une fête de tous les sens.

Un élément de contexte valorise autant qu’il voile la joie des retrouvailles avec Koroliov à Paris. Si ses Goldberg, au même titre (ou presque) que son Art de la fugue, font partie des objets interprétatifs de culte de notre époque, c’est nécessairement une chance exceptionnelle que de les rencontrer enfin en salle, chance que le public parisien n’avait, sauf erreur, jamais eue. Radio-France comble à ce titre un manque important de la vie musicale de la capitale et doit en être remercié. Mais il reste que l’on peine à comprendre qu’aucune grande série privée, ni la Philharmonie, n’ait encore pris sur soi d’inviter annuellement un tel maître, dans une salle convenant au récital – ce que ne sera jamais, hélas, le cas du nouvel auditorium de Radio-France((Encore qu'il faille nuancer ce propos : si l'acoustique restera toujours bien trop mate et neutralisante, en particulier dans les étages, pour écouter du piano (ce qu'on constate à chaque concerto, où la projection subit le joug de l'orchestre), il faut au moins faire crédit aux responsables de la maison d'avoir repensé le système de placement pour le piano et la musique de chambre, système qui attribue d'abord les sièges d'une jauge réduite aux places de face et latérales, les autres n'étant vendues qu'en cas de demande supérieure.)). Car ce n’était là que le cinquième récital de Koroliov à Paris en ce siècle. La fréquence n’est pas le seul enjeu ici. Car de ces cinq invitations, quatre lui ont été faites pour un programme monographique Bach. Le Bach de Koroliov nous est nécessaire, charnellement, intellectuellement, et certains instants de ces récitals, la Fantaisie chromatique et fugue, les extraits du premier livre du Clavier, deux dimanches matins au TCE, furent inoubliables. Mais Koroliov n’est pas un pianiste spécialiste, comme il tend à être institué par les programmes qui lui sont demandés en France (la comparaison avec la situation allemande est édifiante à cet égard) : il est l’un des grands généralistes de son temps, sinon le plus grand. Qui, depuis Richter, et en-dehors de Pollini, peut se targuer d’avoir effectué des contributions décisives à l’interprétation du répertoire de Bach à Ligeti, en incluant le classicisme viennois, le romantisme, les modernités russe et française ? Qui même a jamais pu revendiquer d’avoir livré des visions de références de monuments aussi divers que la Clavierübung, la Hammerklavier et les Diabelli, et le Sacre du Printemps ? D’être aussi éloquent et concentré dans les danses des suites de Haendel que dans des mazurkas de Chopin ou dans les Visions fugitives de Prokofiev ? Cette vision comme systémique du répertoire, largement insoupçonnée du public français, attend toujours sa réception scénique en nos contrées.

Il n’est pas besoin de s’apesantir ici sur l’état d’un jeu qui ne se contente pas d’être singulier : Koroliov, au prix d’une exigence de travail que l’on devine immense, et coordonnée à son enseignement recherché, maintient sa technique à un degré d’excellence qui a très peu, sinon aucun équivalent chez les pianistes nés avant 1950. Il faut bien noter, par acquis de conscience, cette petite minute où la main gauche s’est à demi enrayée, à la fin de la var. XXVI, nécessitant quelques secondes de repos et d’assouplissement avant de reprendre, et occasionnant une certaine prudence au cours des deux variations suivantes. Ce fut bien tout en une heure et demi. On mêle ici à dessein la question de la technique mécanique, de la propreté et de la fiabilité, et du style pianistique. Comme chez tous les grands maîtres, les deux sont intriqués, mais chez Koroliov, l’intrication paraît d’autant plus forte que sa manière ne ressortit à aucun canon, genre, tradition, école. On connaît ou l’on croit connaître cette sonorité au centre de gravité haut, à l’articulation prononcée mais absolument pas mécaniste, toujours élastique et toujours nimbée d’un léger brillant, conférant à ce piano d’apparence légère son exceptionnelle projection dynamique, et qui demeure, peut-être le mystère ultime de ce jeu de piano. Car l’on a eu une rare occasion de le vérifier ici, à quelques mètres, Koroliov peut jouer de longues minutes le pied sur sa pédale forte, mais sans jamais l’enfoncer. Il y a un mystère plus profond encore, néanmoins : comment ce musicien parvient-il à dégager une telle intelligibilité polyphonique, à mettre au monde sonore une pensée synoptique, avec un jeu qui paraît, visuellement, si dépendant d’un style articulatoire individualisant à ce point les voix ? Car c’est un point essentiel sur lequel ce piano est aux antipodes de celui de Gould : la virtuosité contrapuntique n’a pas en vue le vertige de trajectoires concomitantes, mais la cohérence globale du chant en mouvement, qui donne au piano, à l’histoire de l’interprétation de Bach au piano, son intérêt et sa légitimité propres. 

Ainsi, derrière une façade technique qui s’en défend, Koroliov n’a‑t‑il sans doute jamais renoncé, peut-être inconsciemment, à certains idéaux esthétiques propres à la formation soviétique. Mais il a développé, durant un demi-siècle, une horlogerie de haute complication et une écoute qui, tout en fonctionnant merveilleusement dans Mozart ou Chopin, ajoutent aux vertus de la conduite harmonique et de la beauté plastique une exigence d’aération interne, de clarification supérieure, de rebond au sein même du legato. Un highlight obligé de ses Goldberg reste (en dépit de l'incident de parcours de ce jour) sa var. XXVI, où à force de raffiner l’articulation des doubles croches, Koroliov est parvenu à la rendre presque virtuelle, si rasante et murmurée que ces montées suggèrent la  notation d’un trémolo écrit d’instrument à cordes, avec chaque note doublée. Koroliov crée l’illusion, dans cet exercice d’extrême célérité et de legato, qu’il y a un temps perceptible, un silence rémanent à l’intérieur des traits, la possibilité de changer de coup d’archet et de produire un micro-phrasé dans le phrasé. A l’évidence, l’économie de pédale contribue à rendre possible cette époustouflante plasticité dans le mouvement. Mais si cette condition matérielle était suffisante, beaucoup tenteraient d’en ferait autant, et quelques uns y arriveraient : ce n’est pas le cas.

Il était d’ailleurs fascinant (et si rare) de pouvoir écouter Koroliov et Sokolov à deux jours d’intervalle (bien que ce dernier n’ait pas joué une note de Bach cette saison : mais on en a entendues beaucoup par le passé). Car les deux Russes, nés à deux ans d’intervalle, ont cherché un moyen, une voie personnelle pour ne pas se contenter d’un legato virtuose classique dans Bach. Le second a misé beaucoup sur son fameux spiccato à la fois assourdi et surtimbré (usant de la sourdine à profusion), qui tend les phrases comme des fils d’araignée et impose une intelligibilité si extrême des plans qu’elle en devient troublante, reproduisant au plus près (au premier degré) le propre du jeu à deux ou trois claviers. La perspective instrumentale n’est pas si éloignée de celle de Gould, même si l’esthétique personnelle, l’imaginaire déployé sont sans rapport. La limite, à ma sensibilité, de ces types d’articulations mettant en scène leur valorisation de l’indépendance des voix, est qu’elles jouent sur un effet de triomphe sur l’obstacle mécanique, c’est-à-dire qu’elles s’imposent héroïquement, par l’intensité et la performance. Toute l’élévation, l’humanité et la poésie du monde mises derrière peuvent être décelées, mais la sophistication est si tangible, et si propre à exercer sa fascination pour soi, qu’elle demeure au premier plan quoi qu’on fasse. Et surtout, la possibilité de maintenir la tension dans la douceur est faible, parce que la douceur est rarement à disposition : aussi peut-on se lasser, plus ou moins vite, ou faire du vertige mental un substitut à la grandeur discursive. Pourquoi évoquer ensemble ces deux autres pianistes si dissembables par ailleurs, et qui ne font pas partie de nos interprètes favoris de Bach ? Pour une raison, qui est qu’ils ont tous deux poussé la quête de l’ivresse polyphonique contrôlée plus loin qu’à peu près tout le monde (sauf Koroliov),  en ne sacrifiant rien de la force et de l’infaillibilité de la pulsation (comme Koroliov, et au contraire de beaucoup d’autres). L’intérêt de mettre Koroliov en regard est alors de rendre évident ce qui lui est absolument propre : en préservant la douceur il a libéré l’espace rhétorique, qui chez Bach est le même que celui du sentiment. C’est d’avoir ajouté au Père (la clarté polyphonique) et au Fils (la continuité rythmique) le Saint-Esprit (le don de parole). Voici sa lumière et pourquoi elle est d’ailleurs.

Cette douceur a toujours été un trait saillant de l’art de Koroliov, mais elle est aussi la tonalité de son évolution, qui par degrés imperceptibles tend vers un idéal toujours repoussé plus loin. Les Goldberg resteront peut-être comme sa signature, par leur recommencement périodique, qui atteste d’une telle trajectoire. Son enregistrement pour Haenssler (1999) est peut-être le moins satisfaisant de tous ses Bach, par son univocité : tout y est concentré vers une incarnation de magistère qui, à force de tout projeter en pleine lumière, sur un ton parfois hautain, impressionne tant qu’il exprime assez peu ; c’est que le piano aussi paraît plus univoque que sur son Clavier ou ses Suites françaises. Sa seconde mouture (le film de 2008) était beaucoup plus aboutie : à la fois plus représentative de sa singularité pianistique, et contenant bien davantage de strates expressives et émotionnelles. Car plusieurs pas dans l’adoucissement du ton, du son, des climats avaient été franchis. Ce qui s’est passé au cours de la dernière décennie, pour autant qu’on puisse le croire, est de même nature et de même quantité. Le cycle se tient maintenant sur la frontière de l’immatériel. En quoi en a‑t‑il cédé ? Pas en beauté sonore, au contraire. Pas en maîtrise rythmique, plus admirable que jamais, tant elle se fait oublier. En transparence des plans, oui, un peu : Koroliov opte désormais continûment pour un éclairage des lignes en clair-obscur, comme venu de l’intérieur, avec une main gauche égale en dynamique mais souvent blanchie en timbre, provoquant un contraste bien sûr saisissant dans les variations à deux claviers et à croisements, en particulier les var. V, XIV, XX ; alors que dans l’harmonisation simple cette façon de teinter ressortit quasiment à l’art du voicing dans le jazz : ainsi en va-t-il de l’aria, qui évite de la sorte tout appui excessif sur l’ornementation, celle de la voix médiane jouant en écho de la supérieure. 

Il en va surtout ainsi de la var. XIII n’a jamais été, avec lui ou avec personne peut-être, si poignante, et onirique aussi (c’est une des rares que Koroliov prend vraiment plus lente que la moyenne)  : l’intimité de l’espace dynamique est du clavecin, la chaleur de timbre du grand piano, le legato du phrasé de l’orgue. La conduite de la polyphonie interne de la main droite y est stupéfiante de sensualité en même temps qu’elle se tient dans le phrasé le plus retenu, tout entier concentré à ne pas solliciter. C’est un exemple qui signale un principe : si Koroliov ne fait aucune morale instrumentale cherchant à reproduire les conditions matérielles d’exécution d’époque, mais s’il a recours à tout ce qu’il juge bon d’utiliser dans les ressources du Steinway moderne, son respect du style se joue au niveau discursif. Sur ces traits qui ressemblent comme peu d’autres à ceux de l’écriture pianistique des décennies ultérieures, il n’est pas question de phraser comme dans une sonate classique : non parce que ce serait faux, ou mal, mais parce que ce serait trop facile sur le plan expressif, au fond presque vulgaire.  Et cette égalité parfaite dans le trait suggère au fond un renversement de perspective, qui est l’on a peut-être trop pris l’habitude d’accepter des phrasés exagérément appuyés sur ce type de notation dans le classicisme viennois : les extraordinaires Beethoven de Koroliov sont là pour nous en convaincre. Le son est pour notre temps, la pensée est de celui du texte, l’expression projetée par l’un sur l’autre est pour tous les temps. 

Cet art de l’éloquence est devenu plus concentré, et en un sens plus âpre, à mesure que le piano qui le soutient s’est fait plus épuré et intime. Il demande encore plus de concentration qu’avant, parce qu’il marque tout moins fort. Mais si l’on compare, là aussi, avec les ce que Koroliov faisait il y a dix et vingt ans, il va de soi que l’on est en présence d’une subtilité plus grande dans le traitement de l’ornementation, du phrasé, coordonnés à l’enjeu des reprises (toujours exhaustives). Koroliov modifie modérément l’ornement (il est devenu très économe, notamment, des changements d’orientation de celui-ci), laisse le décor tranquille, mais en revanche, il joue avec la structure, réagence les murs, les portes et les fenêtres, notamment dans les reprises des premières parties de variations. Entendons par là qu’il inverse (sans que ce soit jamais spectaculaire, outré) les plans sonores, ou change d’articulation. Le cas le plus évident, qui était annonciateur d’un approfondissement puisque la logique a été étendue, se trouvait déjà dans sa sublime var. XIX, qu’il avait donné, enchaînée à la suivante, en bis lors de son récital de 2015 au TCE, jouée d’abord legato aux deux mains puis détachée et porté. Cela donne, par exemple dans la var. XII, une première fois qui fait classiquement entendre le déploiement thématique à la main droite, et la seconde fois qui l’interrompt dès la deuxième mesure pour mettre au premier plan son énoncé in contrario motu à la main gauche : comme une annonce de l’autre moitié de la variation ou cet échange de priorité se fait, non plus implicitement, dans l’espace, mais explicitement, dans le temps. Ce genre de changements d’aspect préserve paradoxalement plus la structure et le matériau perçus que les substitutions ou proliférations ornementales : dans chaque variation le regard tourne autour d’un objet dont l’intégrité est préservée, et c’est notre oreille, sommée de s'activer, qui est appelée à en enrichir sa perception.

En un sens, on peut plus que jamais trouver recevable le reproche de romantisme, qui n’a, à ce jour, que marginalement été fait à Koroliov, principalement de la part d’historicistes butés. En desserrant l’étau de la démonstration polyphonique, Koroliov a indiscutablement ouvert l’espace d’une écoute plus affective. Ses arias n’imposent plus un climat, ne font pas d’entrée en religion : tout au plus instaurent-elles une relation, et une qualité d’écoute. Le reste procède de cette dernière, vis-à-vis de variations qui tendent à être elles-mêmes variées, par le procédé dont on a donné un bref aperçu. Ce faisant, l’interprète laisse à disposition la part imprévisible de la réception. L’idiosyncrasie de cette lecture des Goldberg est peut-être qu’elles relèvent moins d’un idiome sentimental romantique lourd (où la correspondance du caractère musical et du sentiment est préméditée, ce qui rejoint une certaine idéologie baroque lourde) que d’un classicisme, où la relation entre matériau et affect est limitée à une manifestation conventionnelle, propre à ne pas troubler des équilibres plus vastes. Certes, la tension discursive que manifeste Koroliov, on l’a dit, est rhétorique, dépourvue de subjectivité théâtrale, et donc en un sens au plus proche d’une signification affectée par avance aux relations ou aux mouvements harmoniques, telle que Bach y procède quand le texte musical en supporte un autre, non-musical. L’absence d’une référence extérieure met au défi de présenter un édifice fait de figures de style apparentes, dont la sémantique relève de l’imaginaire.

Bien sûr, les trois variations mineures ressemblent à l’image qu’on en a. Elles sont pourtant largement inouïes, par l’éloquence toujours ambivalente de chaque motif, énoncé à la fois avec une clarté biblique et comme dans la libération d’un vers hermétique, débarrassé du besoin de se communiquer. Si elle commence avec le poids attendu, la var. XV voit son air se raréfier et finit en se dissolvant presque. De légères suspensions dans la battue, à la basse, dans la deuxième partie de la var. XXV, semblent ouvrir des abîmes comme seul Leonhardt en avait entrevues. Le second sujet chromatique de la var. XXI, rôdant dans l’espace déjà convulsé du canon à la septième, se donne avec une grâce presque antinomique, qui le rend plus angoissant (et non effrayant, car on ne sait de quoi on a peur). De même, la var. XXX est désarmante car déceptive : elle est si tranquille, et c’est de là qu’émerge son effusion, un tendre triomphe. Ce quodlibet, il est vrai, pourrait très bien être joué ainsi à n’importe quel autre endroit du cycle, de cette manière. Indifférence, fatigue ? Mais c’est tout le dernier sixième des Goldberg que Bach a voulu relativement informel, et même de plus en plus à mesure que le da capo se rapproche, comme un retour progressif au rivage, puis au foyer((On rappellera ici que le canon de ce quodlibet, tel que Bach l’a connu et pratiqué, était construit sur la combinaison des phrases Ich bin solang nicht bei dir g'west, ruck her, ruck her (Il y a longtemps que je ne suis plus auprès de toi, reviens-moi, reviens-moi) et de Kraut und Rüben haben mich vertrieben. Hätt’ mein’ Mutter Fleischgekocht, so wär’ ich länger blieben (Choux et céleris m’ont fait fuir. Si ma mère m’avait cuit de la viande, je serais resté plus longtemps). La grandeur conclusive de la trentième variation Goldberg a quelque chose de pré-bovaryste. C’est donc qu’il faut bien qu’elle attendrisse. L’ensemble de ce dossier est fort bien synthétisé sur bach-cantatas)). Et c’est l’ultime leçon interprétative de Koroliov de faire sentir cette intuition, par excellence annonciatrice de toutes les modernités artistiques, qui est la beauté tragique de l’ordinaire, après qu’on l’a entrechoqué avec l’extraordinaire.

 

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Théo Bélaud
Né en 1984 dans le Pas-de-Calais, Théo Bélaud fait ses études de philosophie à Lille, et débute dans la critique musicale en 2007. Collaborateur à Classiqueinfo ou Actu-philosophia, il étudie notamment l’œuvre de Charles Rosen, dont il a traduit et présenté Musique et sentiment & autres essais (Contrechamps, 2020).
Crédits photo : © Gela Megrelidze

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