Vendredi 9 mars : CNSMD-Lyon – Salle Varèse

Michaël Levinas : Voûtes (1988) pour 6 percussions

Claude Debussy (1983) : La romance d’Ariel (extraite de Chansons), orchestration Michaël Levinas

Michaël Levinas : Se briser (2008) pour ensemble instrumental

 

Michaël Levinas : Concerto pour un piano espace n°2 (1976)

Giacinto Scelsi : Pranam II (1973)

Qingqing Ten : L’eau qui flambe (2017)

Michaël Levinas : Implorations (2007) pour ensemble baroque

Jean-Basile Sosa : Mythologies, création (2018)

 

Samedi 10 mars : Les Subsistances

"Point limite zéro – voix magnétiques"

Les Harmoniques Du Néon

Mat Pogo et Anne-Laure Pigache : voix

Anne-Julie Rollet et Jérôme Noetinger : magnétophone à bandes

Pascal Thollet : diffusion et traitement sonore

 

"…Limites les rêves au-delà",

Hèctor Parra : composition

Arne Deforce : violoncelle

Thomas Goepfer : réalisateur en informatique musicale

Du 9 au 10 mars 2018 au CNSMD et aux Subsistances – Lyon

Un second week-end de la Biennale musiques en scènes à Lyon qui commence par une Nuit en état(s) limite(s) marqué par deux soirées assez hétéroclites présentant des œuvres pour ensemble de Michaël Levinas mises bout à bout avec des créations acousmatiques. Nous terminerons notre parcours par une visite sur les quais de Saône à la BF15 avant un surprenant voyage vers étoiles avec  "…Limites les rêves au-delà" signé du compositeur catalan Hèctor Parra avec le violoncelliste Arne Deforce.

Ce second week-end de la Biennale musiques en scènes à Lyon débute par une étonnante Nuit en état(s) limite(s) dans la salle Varèse du Conservatoire national supérieur musique et danse de Lyon. Ce concert est l'occasion de réunir des filières qui n'ont pas pour habitude de se côtoyer dans un seul et unique programme : Classe de percussions, département de musique ancienne… et l'Atelier XX-21, le tout placé sous la direction de Fabrice Pierre. Les œuvres pour musique d'ensemble viennent compléter le portrait du compositeur en résidence de cette Biennale : Michaël Levinas.

 

Le fracas résonnant de "Voûtes" (1988) expose la matière vibrante et métallique comme surface sonore réfléchissante. Les percussionnistes de l'atelier XX-21 manipulent une palette mêlant cymbales, gongs, cadre de piano préparé ou bien encore des disques de métal de tailles différentes que l'on pose sur un timbale en les faisant pivoter à grande vitesse sur la tranche pour laisser la résonance s'éteindre progressivement. La pièce rappelle une forme de théâtre sonore où le jeu des timbres remplace le corps des comédiens tout en créant une forme de rituel étrange. Moins directement spectaculaire, la pièce "Se briser" (2007) travaille la notion d'éclatement d'une structure homophonique initiale. La répétition du motif agit en trompe l'œil pour modifier progressivement la structure d'ensemble et du timbre instrumental jusqu'à atteindre une forme de polyphonie complexe. La présence de la Romance d'Ariel de Claude Debussy (dans l'orchestration de Michaël Levinas), ne manquera pas de surprendre, par la référence à un autre théâtre (la Tempête de Shakespeare) et la matière éminemment lyrique et expressive qui est ici à l'œuvre. Les aspérités techniques cueillent à froid la voix juvénile de Laurene Huet, légère de souffle et de corps dans les montées vers l'aigu.

Le second concert se concentre sur l'exploration de la notion d'espace acoustique, avec un assemblage assez hétéroclite de pièces acousmatiques, concertantes et orchestrales. La version révisée (1980) du "concerto pour un piano espace" de Michael Levinas, explore l'instrument soliste à la manière d'un lieu naturel résonant auquel se mêle la diffusion d'une bande électronique. La virtuosité expressive de Felix Dalban-Moreynas donne à l'interprétation une couleur et une brillance qui évitent à plusieurs reprises de sombrer dans l'ennui. La délicatesse de Pranam II de Giacento Scelsi associe le geste social de la salutation, telle qu'elle se pratique en Asie, à l'utilisation de sonorités cristallines et mobiles. Cet univers peine à s'assembler correctement aux deux pièces acousmatiques dont la première, Mythologies (2018) de Jean-Basile Sosa, expose comme matériau le rythme et la danse, tandis que la seconde – Stranger at the door (2017) – de Qingqing Teng verse dans la présence métaphorique d'une porte comme séparation entre l'intime et l'irruption intrusive du monde extérieur. D'un intérêt plus affirmé, les "Implorations" (2007) de Levinas travaillent les relations polyphoniques et la structure rythmique de l'élan-désinence. La présence d'un effectif sur instruments anciens ajoute à la construction une couleur fanée et fragile.

 

Direction les Subsistances pour une très anecdotique performance "Point limite zéro – voix magnétiques" signée Anne-Laure Pigache qui rappellera à certains les riches heures de la poésie sonore, entre lettrisme version Isidore Isou et improvisations gutturales (de Bernard Heidsieck à Christian Prigent). Un malheur n'arrivant jamais seul, les voix des deux performeurs (A.L.Pigache et Mat Pogo) sont diffractées et déformées par un duel de magnétophones à bandes qui samplent et mixent jusqu'à la saturation une purée lexicale assez indigeste. Réfugions-nous donc vers la création française de "…Limites les rêves au-delà", voyage interstellaire pour instrument et électronique d'Hèctor Parra. L'œuvre est issue d'une collaboration avec le chercheur en astro-physique Jean-Pierre Luminet qui signe également le texte de présentation qui débute par ces mots :

L'astre qui fut lumière est devenu

Obscur, silencieux, insondable

 

Trou noir, entonnoir

Des enfers froids

 

Une fois franchi son horizon,

C'est la chute sans fin

Vers un centre sans fond (…)

 

 

Le violoncelliste Arne Deforce est seul sur scène, aux commande d'un vaisseau virtuel qu'il dirige dans des variations alliant le vigoureux corps-à-corps avec son instrument et l'utilisation d'un dispositif électronique déclenché à distance par Thomas Goepfer. Plus convaincant que l'opéra Hypermusic Prologue qu'il avait signé en 2007 avec la physicienne Lisa Randall, ce "voyage utopique" s'écoute comme une expérience psychoacoustique aux confins d'un monde physique qui tient à la fois du concept et de l'expérience. L'électronique élargit la sonorité naturelle de l'instrument à une forme de cosmologie acoustique dans laquelle circulent de puissants réseaux d'énergies et de timbres.

 

Signalons également dans le cadre de cette Biennale Musiques en scène 2018, l’exposition Stone qui réunit à la BF15 trois artistes dont l’œuvre explore la mémoire des pierres et l’imaginaire qu’elles suscitent. En résidence au Grame, l’artiste taïwanaise Yen Tzu Chang a imaginé une installation interactive qui mêle sens tactiles et auditifs. Extérieurement, le spectateur fait face à un bloc de pierre des Monts d’or, d'une agréable couleur chaude. En promenant sa main à la surface, on perçoit instantanément des ambiances sonores et des extraits de circulation urbaine enregistrés dans divers quartiers de Lyon. Damien Fragnon imagine la mise en scène de "fausses" météorites installées dans plusieurs lieux identifiés par des repères satellite à la manière d'un protocole scientifique. Enfin, Sarah del Pino – en collaboration avec l’architecte Alice Mortamet, le laboratoire CRAterre et le compositeur Guillaume SbaÏz – entreprend de filmer et de diffuser les spécificités de la décomposition de différents types de terre plongés dans l'eau – une installation vidéo aussi poétique et fascinante.

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David Verdier
David Verdier Diplômé en musicologie et lettres modernes à l'université de Provence, il vit et enseigne à Paris. Collabore à plusieurs revues dont les Cahiers Critiques de Poésie et la revue Europe où il étudie le lien entre littérature et musique contemporaine. Rédacteur auprès de Scènes magazine Genève et Dissonance (Bâle), il fait partie des co-fondateurs du site wanderersite.com, consacré à l'actualité musicale et lyrique, ainsi qu'au théâtre et les arts de la scène.

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