Verbier Festival Chamber Orchestra
Gábor Takács-Nagy, direction
Joseph Haydn (1732–1809)
Symphonie concertante en si bémol majeur Hob I:105
Roberto González-Monjas, violon
Maksim Velichkin, violoncelle
Vicente Castello Sansaloni , hautbois
Pierre Gomes, basson
Robert Schumann (1810–1856)
Symphonie N° 1 en si bémol majeur op.38 « Le Printemps »
Johannes Brahms (1833–1897)
Concerto pour piano et orchestre N° 1 en ré mineur op.15
András Schiff, piano
Verbier Festival, Salle des Combins, 22 juillet 2017, 19h

Outre le début des master classes et d’autres concerts de chambre, les premiers jours du Verbier Festival ont offert le concert inaugural du Verbier Festival orchestra, le concert Capuçon Kozhukhin en l’église de Verbier et le premier concert du Verbier Festival Chamber Orchestra, constitué d’anciens membres du Verbier Festival Orchestra ayant dépassé l’âge requis. Dans une salle des Combins comble, l’orchestre, dirigé depuis ses origines par Gábor Takács-Nagy, accueillait en soliste András Schiff.

Gábor Takács-Nagy

Il doit y avoir une malédiction tenace qui frappe les débuts du Verbier Festival. La journée fut belle et ensoleillée, jusqu’à l’approche de l’heure fatidique du début du concert où l’orage se déchaîna r ; la pluie battante obligea à l’interruption de la soirée, pour attendre un peu de calme, vu que le bruit de la pluie sur le toit couvrait la musique.
Le Verbier Festival Chamber Orchestra est l’un des trois orchestres du Verbier Festival, celui composé des plus anciens éléments, fondé en 2005 ; le Verbier Festival Junior Orchestra fondé en 2013 est celui qui offre aux plus jeunes (de 15 à 18 ans) la possibilité de jouer en formation symphonique (ils ont donné notamment Eugène Onéguine en 2017) et le Verbier Festival Orchestra est l’orchestre « officiel » du festival, celui qui accueille des jeunes de 18 à 28 ans et 6 concerts par an, fondé en 2000.
Ainsi, le Verbier Festival Chamber Orchestra accueille des musiciens désireux de continuer à travailler ensemble, sous la houlette depuis 2007 de Gábor Takács Nagy, premier chef invité du Budapest Festival Orchestra, lui-même enseignant à la Haute école de musique de Genève et directeur musical du Camerata Manchester, c’est un spécialiste de musique de chambre, il a fondé ou participé à plusieurs quatuors (dont justement le quatuor Takács, ou le quatuor Mikrokosmos). Cette expérience dans la musique de chambre est essentielle pour travailler avec des jeunes musiciens et donner un esprit d’ensemble, avec obligation de s’écouter. Les musiciens d’orchestre, c’était un des crédos d’Abbado également, ont tout intérêt à travailler aussi en formation de chambre, pour travailler ensemble, faire naître un esprit de corps et donner une vraie couleur à leur formation. Gábor Takács Nagy a à la fois l’expérience de l’enseignant, du musicien habitué à la musique de chambre et de chef d’orchestre : au carrefour de toutes ces expériences, il est parfaitement adéquat avec l’esprit du Festival de Verbier.
L’orchestre a joué en ouverture surprise vive et élégante, l’allegretto (dit Menuet de félicitations) de Beethoven pour célébrer l’anniversaire du fondateur du Verbier Festival, Martin T:son Engstroem, Choisir la symphonie concertante de Haydn, c’est évidemment mettre en valeur les dons singuliers des musiciens de l’orchestre, chefs de pupitre de niveau international : c’est le cas de Roberto Gonzáles-Monjas, violon (premier violon de l’Orchestre de l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia), de Maksim Velichkin , au violoncelle, (soliste, il est aussi pianiste et claveciniste) de Vicente Castello Sansaloni au hautbois (ex. EUYO, et actuellement titulaire à la Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland Pfalz) de Pierre Gomes au basson (issu du GMJO, il joue aussi dans l’Orchestra Mozart ; il est titulaire à l’Orchestre National de Lorraine).

Pierre Gomes (basson) et Vicente Castello Sansaloni (hautbois)

La symphonie concertante de Haydn a été composée et écrite en 1792, pour violon, violoncelle, hautbois et basson, afin mettre en valeur l’émulation de solistes exceptionnels, une sorte de show musical de l’époque. De fait la direction énergique et vive de Gábor Takacs Nagy met en valeur le violon superbe de Roberto Gonzales-Monjas au premier mouvement (un Guarnieri del Gesù de 1710) au son clair et raffiné, le deuxième mouvement (où cuivres et percussions se taisent) exalte les instruments des quatre solistes notamment le basson et le hautbois, comme dans un jeu de quatuor où les qualités virtuoses sont sollicitées, l’orchestre répond en écho mais sans être protagoniste, au contraire du troisième mouvement, plus spectaculaire (au départ), qui donne au premier violon, décidément exceptionnel, la réplique, comme dans une sorte d’air de concert, destiné à montrer les brillantes qualités du violoniste.

Roberto Gonzáles-Monjas (violon)

Un ensemble à la fois sensible et exaltant des qualités individuelles des solistes qui appartiennent à l’orchestre, une manière d’en dire le niveau et le relief. Beau moment musical, accompagné par la pluie qui a débuté au troisième mouvement pour ne guère s’interrompre avant la fin du concert.

De manière inhabituelle, en deuxième moment du concert, une symphonie, qui place en dernière partie le concerto pour piano évidemment pour célébrer András Schiff.
La symphonie de Schumann « Le Printemps » composée et créée en 1841, est une œuvre plutôt euphorique, créée par Felix Mendelssohn. Elle est menée de manière énergique et à la fois majestueuse, avec un sens des contrastes qui lui donne aussi une singulière force dramatique, une arrivée du Printemps qui sonne quelquefois comme une irruption pleine de vigueur où l’interprétation vive et jeune, met en relief les qualités éminentes d’un orchestre très ductile : après les qualités individuelles avec le Haydn, ce sont les qualités du collectif qui sont mises en valeur dans Schumann, une approche assez didactique en somme pour faire connaissance avec une formation remarquable.
Mais tout le monde attendait András Schiff, rendu sans doute un peu tendu par le bruit de la pluie, peu compatible avec le son du clavier dans cette salle à l’acoustique pas forcément facile pour des solistes dans ces conditions. L’orchestre démontre une fois de plus ses qualités de relief et de sens dramatique (magnifique introduction orchestrale), mais aussi de lyrisme. Le jeu de Schiff, mesuré, un peu distancié au départ, mais toujours charnu, quelquefois aussi sensuel, éblouit notamment dans le deuxième mouvement, malgré une pluie de plus en plus battante qui devenait franchement gênante, empêchant une audition dans des conditions minimales de confort. On doit rendre grâce à l’artiste qui a continué de jouer dans des conditions aussi regrettables mais de manière aussi sensible aussi, presqu’en contrepoint, démontrant une concentration peu commune, même si la pluie s’est un peu calmée, dans toute la fin du mouvement, laissant entendre un son d’une rare limpidité, et des moments d’une rare émotion. Dernier mouvement brillant et fluide, sans jamais être démonstratif, sensible, coloré, et toujours profondément ressenti et lyrique dans un magnifique dialogue avec l’orchestre décidément remarquable de précision et d’attention au soliste.
Le public très chaleureux et très enthousiaste obtient en bis un extrait du concerto italien de Bach qui convient parfaitement au son du piano (un Bechstein)
Un concert somptueux, digne des sommets, mais même si on prévoit pour l’an prochain une insonorisation qui devrait réduire les problèmes de pluie, élément vraiment perturbateur des concerts, les succès répétés du Verbier Festival depuis 24 ans devraient aboutir à la construction d’une salle de concerts « en dur ». c’est dans les cartons, et nous ne pouvons que le souhaiter ardemment.

András Schiff et Gábor Takács-Nagy
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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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