Mozart Le Nozze di Figaro
3CD Deutsche Grammophon

Mozart (1756–1791) : Le Nozze di Figaro
Chamber Orchestra of Europe
Yannick Nézet-Séguin
Deutsche Grammophon

Juillet 2015 Festspielhaus Baden-Baden

notice : trilingue
Durée : 173' 34''

Conte : Thomas Hampson
Contessa : Sonya Yoncheva
Figaro : Luca Pisaroni
Susanna : Christiane Karg
Cherubino : Angela Brower
Marcellina : Anne Sophie von Otter
Bartolo : Maurizio Muraro
Basilio : Rolando Villazon
Don Curzio : Jean-Paul Fouchécourt
Antonio : Philippe Sly
Barbarina : Regula Mühlemann

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Lié au Festival de Baden Baden depuis plusieurs années, Yannick Nézet-Séguin qui vient de succéder à James Levine au Metropolitan Opera de New York en tant que directeur musical, poursuit avec brio son cycle Mozart débuté en 2011 avec Don Giovanni. Nouvel opus publié comme toujours par DG et enregistré en juillet 2015, ces Nozze di Figaro se distinguent avant tout par leur bouillonnante direction, la verve, l'instinct, la jeunesse et le théâtre qu'elle dégage à chaque instant et que seule la grande complicité artistique entre un chef et ses troupes, en l'occurrence les musiciens du Chamber Orchestra of Europe, rend possible.

Déjà perceptible dans Cosi fan tutte et Don Giovanni, son approche mozartienne pour personnelle qu'elle soit, a retenu les leçons de l’histoire, tout en proposant une parfaite synthèse où se lit l'héritage de Krips, Böhm, Giulini ou Muti et jusqu'aux apports des tenants du baroque. La battue incisive du maestro québécois, que l'allègre continuo de Jory Vinikour vient souligner, son sens de la progression dramatique, son infaillible soutien vocal et l'allure avec laquelle il mène son plateau, impriment à l’œuvre un élan qui tient constamment en éveil comme si nous découvrions une pièce nouvelle. La distribution réunit grands noms et membres de la génération montante, dans un souci d'équilibre des forces et d'homogénéité. Vingt-cinq ans après leur gravure commune avec Levine (DG), Thomas Hampson et Anne Sophie von Otter se retrouvent à nouveau embarqués dans cette folle journée. Si la voix du premier a vieilli, elle porte encore les traces d'un glorieux passé où l'on décèle cet art de la séduction, cette finesse et cette vitalité que le temps n'a pas su minimiser. Les tempes ont sans doute blanchies mais la présence, la vivacité de cette source hier jaillissante ne sont pas taries, comme le prouve son remarquable "Hai gia vinta la causa" aux emballements de pur sang. Délicieux Cherubino en 1991, von Otter campe aujourd'hui une Marcellina au timbre émacié mais toujours phonogénique, qui a su conserver un indubitable abattage notamment dans son air du 4 "Il capro e la capretta", viatique qui fait cruellement défaut au page terne, à l'émission acide et pointue défendu par la jeune mezzo Angela Brower.

D'une résistance à toute épreuve, aussi malin que charmant, le couple Susanna-Figaro accroche comme il se doit la lumière : elle, Christiane Karg, avec cette voix agile et piquante, ce débit mitraillette et cette énergie inhérente au personnage (un soupçon de douceur et un phrasé plus caressant ne nuiraient cependant pas à son "Deh vieni non tardar" au 4ème acte, qui bien que contrôlé, gagnerait à vibrer davantage) ; lui, le splendide Luca Pisaroni, déjà parfait en Leporello, ne fait qu'une bouchée de ce Figaro qu'il connaît si bien, son élocution, son naturel et cette fougue communicative hissant sa prestation parmi les plus accomplies. Valet il est et valet il demeure, mais avec cette distinction qui n'appartient qu'aux grands titulaires et à ceux qui, comme lui, passent sans encombre d'Almaviva à Figaro.

Très attendue en Contessa qu'elle aborde pour la première fois après s'être essayée assez brillamment à Donna Elvira (Monte-Carlo), Sonya Yoncheva, certainement impressionnée par ce personnage délicat, chante agréablement tout en restant à la surface des choses, élégante, mais distante. Si elle avait interprété Susanna, sans doute aurait-elle acquis ce sens du timing dont aurait tant besoin son interprétation, corsetée dans ses deux airs, languide dans les récitatifs, tout juste émoustillée par le comportement libertin de Cherubino, un futur comte en puissance.
Autour de cette véritable ménagerie, quelques individualités tentent de se frayer un chemin et en premier lieu Rolando Villazon, présent dans les trois précédents enregistrements, qui n'hésite pas à contrefaire sa voix et à prodiguer son habituel numéro en Basilio, tandis que Maurizio Muraro (Bartolo trémulant), Jean-Paul Fouchécourt (Don Curzio), Philippe Sly (Antonio) et l'adorable Regula Mühlemann (Barbarina) sont de parfaits comprimari.

De très belles noces.

François Lesueur

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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement

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1 COMMENTAIRE

  1. Maurizio Muraro est inégalable, une véritable voix de basse, une admirable présence scénique.Le voir et l'entendre dans " le maitre de Chapelle " de Cimarosa et un enchantement.

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