Giuseppe Verdi (1813–1901)
Rigoletto (1851)
Melodramma in tre atti
Livret de Francesco Maria Piave, d'après Le Roi s'amuse de Victor Hugo
Création Gran Teatro La Fenice Venezia, 11 mars 1851

Bruno Bartoletti (direction musicale)
Silvia Cassini (mise en scène)
Derek Deane (chorégraphe)
Luigi Marchione (décors)
Salvatore Russo (costumes)

Vincenzo La Scola (Duca di Mantova)
Leo Nucci (Rigoletto)
June Anderson (Gilda)
Franco De Grandis (Sparafucile)
Viorica Cortez (Maddalena)
Anna Schiatti (Giovanna)
Giancarlo Boldrini (Monterone)

Orchestra e Coro del Teatro dell’Opera di Roma
Maestro del coro : Paolo Vero

Réalisation tv di Tonino Del Colle

Roma Teatro dell'Opera (Teatro Costanzi) 29 mai 1991 (Streaming Raiplay Opéra di Roma)

Les caméras de RAIDUE avaient été placées dans l’Opéra de Rome en mai 1991, pour capter une représentation du Rigoletto de Verdi qui patientait depuis dans les archives. Presque trente ans après, nous avons ainsi la chance de retrouver le célèbre opéra de Verdi défendu par une distribution de haut vol – difficile de rivaliser avec le trio formé par Nucci, Anderson et La Scola  – dirigé par l’excellent chef Bruno Bartoletti. 

Leo Nucci (Rigoletto) et June Anderson (Gilda)

L’Opéra de Rome a beaucoup compté pour June Anderson dont la carrière internationale a débuté sur cette scène un beau soir de 1982. Invitée à interpréter le rôle-titre de Semiramide, la soprano américaine reçut un tel accueil que le lendemain les portes des plus prestigieux théâtres lyriques s’ouvraient à elle. Bel cantiste aux moyens impressionnants, cette grande voix allait bientôt être appelée à servir pendant près de trente ans Rossini, mais également Donizetti, Bellini et Verdi sans oublier l’opéra français, quelques incursions dans la musique contemporaine en passant par plusieurs partitions straussiennes. Très appréciée en Europe (Italie, France et Espagne) qui put l’entendre dans ses plus grandes incarnations (Lucia di Lammermoor, Sonnambula, I Puritani, Norma….) les Etats-Unis ne firent appel à elle que rarement, le MET, Chicago et Pittsburgh lui confiant La Fille du Régiment, la première in loco de Semiramide en 1990 avec Horne et Ramey, Lucia, Orlando de Haendel (toujours avec Horne) et Anna Bolena. Cette voix puissante au large ambitus et à la virtuosité aisée, proche de celle de Sutherland, aurait pu se limiter à quelques partitions brillantes, or la cantatrice a su et pu s’orienter avec succès vers des emplois plus dramatiques sans jamais perdre sa capacité à vocaliser conservant assez tard dans sa carrière Norma, mais également Trovatore et en dernier lieu à Lucrezia Borgia.

La retrouver fraîche comme une rose au tout début des années quatre-vingt-dix sur la scène romaine dans Rigoletto , opéra qu’elle enregistra aux côtés de Luciano Pavarotti (Decca 1988) qui, comme Alfredo Kraus, l’appréciait énormément, est un plaisir. Pour elle Gilda est une promenade de santé, la tessiture longtemps confiée à des coloratures sans consistance ne lui pose aucun problème, son instrument délié, s’ajustant admirablement à l’écriture tantôt escarpée du « Caro nome », tantôt grave « Tutte le feste » et duo final. Son approche sensible du personnage lui permet de briller dans les passages de pure bel canto comme le « Caro nome » où elle semble planer dans l’air, rester dans l’aigu sans l’ombre d’un effort, triller, vocaliser, ou de se montrer plus intense face à la violence de son père. La jeune fille un peu crédule qui se livre au premier venu prend ainsi vite de l’épaisseur pour subir les humiliations du Conte et décider de son existence en se sacrifiant pour lui.

Vincenzo La Scola (Il Duca)

Vincenzo la Scola n’éprouve également aucune appréhension à chanter il Duca ; son ténor d’essence italienne possède la vaillance, l’éclat et la souplesse demandés. Il est si rare à l’exception d’un Pavarotti, d’entendre dans ce rôle un interprète qui ne risque pas de s’enrouer sur le « Questa o quella », que l’on est surpris de retrouver un musicien capable de nuancer « Parmi veder le lagrime » et de prendre plaisir à interpréter la cabalette pourtant aride « Possente amor mi chiama ».

Leo Nucci (Rigoletto)

À cette date, Leo Nucci n’en était pas encore à son cinq centième Rigoletto, mais l’adhésion du chanteur pour ce qui sera le rôle de sa vie est déjà manifeste. Le comédien n’est pas exceptionnel et la mise en scène de Slivia Cassini est bien traditionnelle, celui-ci s’accrochant à quelques effets stéréotypés qu’il conservera de production en production, comme cette jambe qu’il traîne, ses grimaces faciles et ses mains agitées en tous sens, mais l’interprète a compris qu’en s’identifiant à ce personnage il se ferait pardonner ses imprécisions, ce manque de justesse et cette tendance à tenir la note plus que de raison. Ceci posé, son gobbo demeure excellent et parfois même attachant surtout aux côtés d’une Gilda aussi racée, que seule Ciofi parviendra à dépasser en style et en émotion quelques années plus tard.

Captée par les caméras de la Rai, cette production signée Silvia Cassini n’est ni pire ni meilleure que ce qui se faisait à l’époque. D’un classicisme assumé, elle se contente de suivre à la lettre le drame, d’enchainer platement les décors et les costumes en se contentant de faire évoluer les personnages sans surprise ni originalité. Les nostalgiques seront heureux de retrouver Viorica Cortez, accorte Maddalena, sœur du sombre Sparafucile de Franco De Grandis.

Chef rompu à toutes les disciplines et aux ouvrages les plus variés, Bruno Bartoletti maîtrise superbement cette partition d’un jeune Verdi en train d’opérer dans un même élan, un mélange entre tradition et révolution. Grâce à des tempi majestueux et à une description minutieuse de chaque événement, le maestro semble sculpter les ombres et les lumières sans oublier de laisser la place au théâtre et à l’émotion.

 

 

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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement
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1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour
    J'ai vu Anderson en fin de carrière, avec à Liège une Salome en français où elle paraissait avoir vingt ans, et un Viaggio rossinien à Monte Carlo où les vocalises sentaient le poids de l'âge.. Et avec un Rockwell Blake qui faisait pitié. Sa Fille du régiment avec Kraus a l'Opéra Comique est un souvenir mémorable, comme ses interprétations à Pesaro..
    Une grande dame.
    Cordialement

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