Giacomo Meyerbeer (1791–1864)

Les Huguenots
Opéra en cinq actes
Livret de Eugène Scribe et Emile Deschamps

Direction musicale : Michele Mariotti
Mise en scène : Andreas Kriegenburg
Décors : Harald B. Thor
Costumes : Tanja Hofmann
Lumières : Andreas Grüter
Chorégraphie : Zenta Haerter
Chef des Choeurs : José Luis Basso

Marguerite de Valois : Lisette Oropesa
Raoul de Nangis : Yosep Kang
Valentine : Ermonela Jaho
Urbain : Karine Deshayes
Marcel : Nicolas Testé
Le Comte de Saint-Bris : Paul Gay
La dame d’honneur : Julie Robard‑Gendre
Une bohémienne : Julie Robard‑Gendre
Cossé, un étudiant catholique : François Rougier
Le Comte de Nevers : Florian Sempey
Tavannes, premier moine : Cyrille Dubois
Méru, deuxième moine : Michal Partyka
Thoré, Maurevert : Patrick Bolleire
Retz, troisième moine : Tomislav Lavoie
Coryphée, une jeune fille catholique, une bohémienne : Élodie Hache
Bois-Rosé, valet : Philippe Do
Un archer du guet : Olivier Ayault
Quatre seigneurs : John Bernard, Cyrille Lovighi,  Bernard Arrieta, Fabio Bellenghi

Orchestre et chœurs de l'Opéra National de Paris

 

Opéra National de Paris – bastille, le 4 octobre 2018

Disparue depuis 82 ans du répertoire de l’Opéra de Paris, pour lequel elle avait été créée en 1836 et dont elle a fait les beaux soirs pour des centaines de représentations, Les Huguenots, l’œuvre phare de Giacomo Meyerbeer revient à la maison. On peut s’interroger sur les raisons pas toujours propres de cette disparition, et de celle de l’ensemble de l’œuvre de Meyerbeer pendant des dizaines d’années. Bien heureusement, depuis quelques temps, elle revient sur les scènes européennes et Paris un peu à la traine s’est enfin décidé. Mais ce retour n’est pas le coup d’éclat qu’on aurait pu attendre pour plusieurs raisons qu’il faut approfondir.

Acte I : la fête

 

Enfin à Paris


Produire Meyerbeer aujourd’hui présente un certain nombre de difficultés, dont la première est de trouver les chanteurs adéquats, mais le Grand Opéra, notamment dans la maison dont il fut le symbole (plus de 1100 représentations), requiert forces importantes, mobilisation énorme de ses personnels, et aussi un metteur en scène qui puisse faire parler aujourd’hui un genre dont on a un peu perdu les caractères. L’échec du travail de Warlikowski l’an dernier sur Don Carlos en est la preuve.
Sur Les Huguenots, Olivier Py avait su être visionnaire à Strasbourg et Bruxelles, Tobias Kratzer à Nuremberg et Nice il y a quelques années avait détourné un peu le propos, pour mieux le centrer, en partant d’un artiste en création d’un dyptique d’Abel et Caïn, symbole d’une œuvre dénonçant des guerres fratricides. Une mise en scène d’une très grande intelligence. David Alden de son côté au Deutsche Oper Berlin n’avait ni convaincu ni dérangé grand monde. Dans un genre aussi codifié, il est difficile de trouver le chemin le plus cohérent.

Andreas Kriegenburg a simplement raté son coup. Il n’a ni saisi le genre, ni saisi l’intrigue, ni travaillé les personnages, sinon à faire étalage de la grosse machine scénique de Bastille par des décors surdimensionnés sur plusieurs niveaux, dans l’esthétique habituelle de son compère Harald B. Thor, qui rappelle un peu ce qu’il avait fait à Hambourg avec Die Frau ohne Schatten, un travail lui aussi peu convaincant : un univers blanc stylisé d’où se détachent les personnages aux couleurs vives, les costumes rouge sang des catholiques et noirs des protestants.

Le cercle de Marguerite

La seule scène qui aurait de quoi séduire un peu plus (je m’avance dangereusement) est l’apparition de Marguerite de Valois, dans l’univers vaporeux, raffiné, d’un cercle intellectuel  féminin exclusif, et d’une Touraine idéalisée comme l’antichambre du paradis. Il s’agit d’un locus amoenus (on est au bord de l’eau) cher aux anciens, et l’on peut penser aussi bien à Pétrarque qu’à Horace. Cela eût pu mieux caractériser le personnage de Marguerite, cultivée, pétrie d’humanisme, et otage de la guerre féroce que se livrent jusque dans la famille royale les protestants et les catholiques.
Autre personnage noble de cette trame complexe, Nevers, le catholique qui défend l’honneur et l’humanité et qui le paie de sa vie. La mise en scène n’en fait rien, parce qu’elle ne fait rien non plus de la défense de la tolérance portée par l’œuvre ni de son message d’humanité. Kriegenburg suit le livret, platement, comme s'il ne savait rien en faire et que l'oeuvre ne lui parlait pas : il en résulte, dans le cinquième acte, celui de la Saint Barthélémy, des visions répétitives et vaguement ennuyeuses de gens qui fuient, qui courent de droite à gauche de gauche à droite, de bas en haut, et de haut en bas, de catholiques sanguinaires embrochant de leurs épées les enfants fuyant, gardant à distance toute allusion à notre terrible actualité, malgré un jeu qui essaie de défendre une vision « intemporelle » notamment par le mélange des époques des costumes.
Car le livret de Scribe est particulièrement équilibré, avec sa première partie plutôt légère (scènes de cour) et sa deuxième partie plutôt terrible (scènes de crime) où ceux qui se divertissaient à quelques grivoiseries au premier acte deviennent des monstres sanguinaires au dernier, les deux faces du Janus humain.

Les tableaux constitués par Kriegenburg ne manquent pas d’élégance, mais ne vont pas au-delà de la photo de groupe : aucune idée dramaturgiquement forte ne vient distraire de l’aimable ennui distillé.
Si l’ensemble de la distribution avait été à la hauteur de l’enjeu, sans doute cette mise ne scène, qui passera par profits et pertes et dont la mémoire de l’Opéra ne gardera pas trace, serait (presque) passée inaperçue, et c'est une occasion ratée pour ce metteur en scène de grande tradition brechtienne et de grand talent. Mais la distribution qui réunit quelques diamants et quelques pierres moins précieuses n’est pas suffisamment étincelante pour faire tenir l’attention, non plus que le parti pris volontairement raffiné et non spectaculaire du chef Michele Mariotti.
Car, disparue depuis des décennies, l’œuvre de Meyerbeer n’a plus de tradition interprétative : sans doute une renaissance éventuelle (et méritée) pourrait-elle la recréer.
Certains pensent « opéra en français » = « style français » ce qui ne signifie rien pour un compositeur allemand qui vient de passer des années en Italie et dont le Dieu musical s’appelle Rossini.
D’autres pensent que Meyerbeer est un Berlioz du pauvre, du Zim Boum vide et une composition sommaire, d’une musique creuse et sans intérêt ( ce sont les mêmes qui pensent que Rienzi de Wagner est « le plus bel opéra de Meyerbeer »).
Peu s’interrogent en réalité sur l’incroyable succès européen de Meyerbeer, sur les triomphes successifs, qui n’ont d’égal que ceux de Rossini au moins jusqu’à 1850 et l’oubli paradoxal dont il est victime au XXe.

  • Meyerbeer écrit à la perfection pour les voix : il a une connaissance profonde des techniques vocales, et ne met jamais une voix bien formée en difficulté, au contraire d’un jeune Verdi (voir Due Foscari) ou d’un Wagner. Si l’on a les voix adéquates (par exemple Lisette Oropesa ici), les choses passent avec facilité. C’est évidemment très difficile à chanter, sauf pour les chanteurs qui ont la juste technique. Et si Meyerbeer a écrit des airs si difficiles à chanter, c’est qu’il savait disposer des voix idoines : il écrivait pour le marché lyrique du moment, plus difficile à reconstituer par les temps qui courent.
  • Toutes les grandes œuvres de Meyerbeer composées pour Paris portent un message contre l’intolérance, contre le totalitarisme religieux, contre ce qu’on appellerait aujourd’hui le populisme et en ce sens ont pu déranger un certain public entre 1936 et 1945. Les livrets de Scribe interrogent les haines sociales, les peurs, la guerre religieuse dans Les Huguenots, les faux prophètes dans Le Prophète, la haine de l’autre dans l’Africaine, des sujets qui lacèrent la société encore aujourd’hui et la déchirent.
  • Meyerbeer, à retardement, a subi dès la fin du XIXe l’ostracisme qu’ont subi dans les années trente les compositeurs allemands de la « Entartete Musik » qu’on redécouvre aujourd’hui. Il fallait faire oublier ce juif allemand qui triompha de Berlin à Paris et de Milan à Londres de manière indescriptible, et la mémoire de Meyerbeer finit par ne pas se relever de la seconde guerre mondiale.

En fait Meyerbeer a payé chèrement le fait d’être juif et populaire, de porter un message trop humaniste (L'Africaine, Les Huguenots...), et d’être trop internationaliste – de là à dire apatride…
Apatride parce que sa musique est aussi profondément et noblement internationale, il a saisi la manière de plaire à différents publics comme Rossini : il se met aussi résolument dans son sillon, poussant jusqu’à l’extrême l’art du bel canto, et ses partitions montrent des raffinements surprenants, et ignorés par les strates de l’interprétation meyerbeerienne à l’orchestre (Bonynge…) comme au chant (Sutherland).
Il faut retrouver au contraire cette tradition : on avait fini par dire cette musique que personne n’écoutait plus, facile et médiocre, comme pour justifier un oubli malheureusement plus tristement idéologique qu’artistique.

Mariotti le rossinien propose une direction rossinienne

À l’origine de cette musique , il y a Rossini. Comme souvent à cette période, Rossini est inévitable, il l’est pour un Donizetti, pour un jeune Verdi, il l’est a fortiori pour un Meyerbeer presque contemporain (il a un an de plus que le pesarese) qui le place au Panthéon des Dieux musicaux. Quand Robert Le Diable est créé en 1831 Meyerbeer a Guillaume Tell en tête, et il continue de l’avoir en 1836, à peine sept ans après la création de Guillaume Tell à l’Opéra. C’est Rossini qui développe l’art du bel canto en langue française – et Auber lui aussi sait puiser à bonne source- et c’est Meyerbeer qui continue la tradition. Meyerbeer, c’est d’abord le bel canto.
Michele Mariotti, rossinien atavique, né et élevé à Pesaro, dont le père est Alfredo Mariotti, le fondateur du Festival Rossini, a cette histoire dans le sang. Et tout l’art du chef dans ce travail sur Les Huguenots est de montrer d’où vient cette musique et pourquoi elle se développe ainsi, plus que faire une démonstration de puissance et de spectaculaire. Alors il opte pour un orchestre qui soit d’abord un soutien aux voix (et donc d’une relative discrétion) et qui ensuite montre ce qu’on entend jamais ou peu, les fils ténus des phrases musicales, les solos des bois, les moirures de violons, plus que les grosses machines orchestrales. Il nous fait entendre ce qu’il y a de Rossini dans cette musique – et il ne s’agit pas de style italien, comme si avec Meyerbeer, on devait forcément être tendu voire écartelé entre un style « italien » et un style « français ». C’est justement que ce style est spécifique et doit trouver sa propre couleur. Et ce style a des prolongements jusqu’aux grands Verdi (il est clair qu’Oscar est fils d’Urbain !), et aussi bien chez Wagner (Rienzi)

On a pu trouver que l’orchestre était lent, manquait de brillant. L’orchestre  sous la baguette de Mariotti cherchait simplement la juste couleur d’une musique vraiment composée, vraiment écrite avec un soin tout particulier, qui vaut tout autant que des opéras de la même époque joués plus souvent aujourd’hui. Une couleur plus intimiste quelquefois, plus sombre, plus mate et sans les paillettes auxquelles on l’associe. Verdi s’inspirera dans bien de ses grands chœurs (Ernani, I Lombardi) des chœurs de Meyerbeer et le citera dans la Forza del Destino (Rataplan). Wagner et Verdi connaissaient leur homme… Mariotti, et c’est là son prix, a su redonner noblesse et raffinement, élégance et sensibilité à cette musique, mieux encore qu’à Berlin, avec un orchestre de l’Opéra exceptionnel ce soir. On est loin de ce que certains appellent « plan-plan ! » comme si ce travail était plat et sans relief : au contraire, il y a là un travail très approfondi sur la lecture de la partition, avec ses recoins et ses climax,  par un chef qui connaît parfaitement toute la période.
Le chœur de l’Opéra, magnifiquement préparé par José Luis Basso, a la puissance et la vaillance voulue : personnage essentiel du drame, dès le départ, il s’installe à la fois dans l’épique, mais non sans ironie, non sans distance. C’est une très belle performance
Il faut évidemment pour une telle musique et une telle option des voix en état de répondre. Du côté féminin, pas de doute, nous y sommes, du côté masculin, la pente est encore raide et la distance assez importante avant d’y arriver.
Il reste que pour ce retour, on eût peut-être pu se fendre d’une version intégrale, et les coupures nombreuses, n’ont guère de sens au vu des circonstances.

 

Des femmes au sommet, des hommes sur la pente

Lisette Oropesa

Au sommet, Lisette Oropesa, remplaçant Diana Damrau, montre qu’elle est prête à un répertoire que peu de sopranos abordent sans crainte. Confinée aux Nanetta et aux Gilda, aux Sophie –de Werther, en début de carrière, elle montre en Marguerite de Valois une pleine maîtrise belcantiste, avec un contrôle de tous les instants, des aigus faciles, des filati de rêve, et une impeccable diction comme tous les grands chanteurs de ce répertoire. On entend derrière cette voix qui remplit aisément le vaisseau bastillais des héroïnes verdiennes (on rêve d’une vraie Hélène des Vêpres siciliennes), mais aussi toutes les héroïnes belliniennes : quelle Giulietta elle sera, mais quelle Marguerite de Faust de Gounod, et quelle Isabelle de Robert le Diable, tout un répertoire s’ouvre qui a peu de titulaires aujourd’hui douées de cette force, de cette technique et de cette aura scénique. Lisette Oropesa a conquis là – on s’y attendait- ses galons de star belcantiste.

Karine Deshayes

Face à elle, le stupéfiant Urbain de Karine Deshayes, à la voix large, puissante, ductile, la technique magnifiquement dominée, à la diction évidemment impeccable et à la fraîcheur juvénile : elle habite totalement  le rôle là où peut-être on l’attendait moins. On y entend une voix au volume assuré, en pleine maturité, qui peut chanter à ravir des Cenerentola, mais derrière pourrait se profiler un répertoire de grand mezzo belcantiste : une Giovanna Seymour, un Orlando.  Bluffante.

Ermonela Jaho

Ermonela Jaho est Valentine. Très habilement, Meyerbeer distribue les moments dans son long opéra : la première moitié est à Valentine et Urbain, avec les raffinements belcantistes et les acrobaties vocales. Valentine n’est alors qu’une ombre, sous voile : c’est dans la deuxième partie où les autres disparaissent que le rôle, plus dramatique et tendu prend son essor.
Meyerbeer fait d’ailleurs de même avec d’autres rôles : Nevers essentiellement en première partie et Saint Bris en seconde partie se partagent les basses : seuls Marcel et Raoul traversent toute l’œuvre.
Ainsi la Valentine d’Ermonela Jaho a cette force dramatique et cette expressivité remarquées dans d’autres rôles. Les notes aiguës très tenues, larges, mais peut-être une diction un poil moins assurée et une voix un poil moins puissante dans le registre central, mais ce sont des considérations de détail : le rôle a été créé par Cornélie Falcon (à 22 ans !!), on le distribue aux voix de lirico spinto voire de soprano dramatique et Jaho est trop lyrique (c’est un rôle qui conviendrait mieux à Harteros) mais il reste qu’elle complète avec honneur le tryptique des dames, parfaitement réussi.
Du côté masculin, les choses sont plus contrastées : si Cyrille Dubois assume comme d’habitude avec vivacité le rôle épisodique de Tavanne (avec de ces aigus marqués), le seul vrai ténor est Raoul, ce qu’on verra être le nœud de la représentation des Huguenots. Presque toutes les autres voix sont des basses, un choix de couleur vocale qui montre encore une fois la volonté de construction rigoureuse de Meyerbeer.
Florian Sempey est un Nevers plein de relief vocal, belle diction, timbre chaleureux et affirmé, même si le chant manque un tantinet de personnalité. Il est simplement dommage que la mise en scène ne s’intéresse pas à ce personnage qui, au milieu des déchainements de haine et contre son camp, affirme les valeurs de l’honneur et de la tolérance : la présence d’un personnage de ce type fait pendant à Saint-Bris, autoritaire, aveugle et à sa fille et à la situation, interprété par Paul Gay, à la belle tenue scénique avec une voix puissante, mais manquant de ligne et d’homogénéité : les passages sont mal négociés, les différences de registre trop marquées.
Nicolas Testé est Marcel, l’un des deux rôles qui couvrent l’ensemble de l’œuvre :  on louera l’élégance du discours, la clarté et l’émission impeccable, mais le timbre est légèrement voilé et la voix, bien projetée, manque cependant peut-être un peu de profondeur et d’éclat pour le personnage, qui reste évidemment très bien défendu notamment au cinquième acte.

Yosep Kang

Reste Raoul, confié après le départ de Brian Hymel au ténor Yosep Kang. Vu la difficulté du rôle, vu la rareté des artistes capables dans le monde de le porter jusqu’au bout sans encombre (j’en vois trois ou quatre : Gregory Kunde, Juan Diego Florez, le jeune Enea Scala et sans doute Michael Spyres) on ne peut que saluer le courage de Yosep Kang, qui n’a pas la voix du rôle, d’avoir accepté le défi et pour une fois, le public de Paris quelquefois peu charitable n’a pas manifesté son mécontentement malgré une prestation, notamment au quatrième acte (le plus périlleux) particulièrement problématique. Le timbre est clair et assez lumineux, mais la technique n’est pas du tout au point pour ce répertoire.
L’Opéra de Paris eût sans doute pu prendre des précautions à l’avance : Raoul est un rôle qu’on doit impérativement doubler, pour anticiper les accidents. Strasbourg avait dû annuler une représentation de la production Py à Mulhouse faute de ténors disponibles. C’est un de ces rôles impossibles parce qu’il exige une technique de fer, qui balance entre le bel canto aux aigus meurtriers, aux suraigus impossibles, et aussi un style héroïque qui exige une voix large. Une voix rossinienne peut être prédisposée, mais il lui faut l’ardeur, le timbre plutôt mâle, l’héroïsme. Peut-être Serguei Romanovsky pourrait-il s’y essayer. Mais avoir Raoul à son répertoire ne garantit pas de le chanter fréquemment !!
Yosep Kang a des aigus et suraigus difficiles, il essaie de ne pas chanter en falsetto et c’est tout à son honneur, mais n’y arrive simplement pas et le fameux duo du quatrième acte (« tu l’as dit… »), un des moments les plus beaux de tout l’opéra devient un supplice tant il est problématique. Et ainsi on oscille entre une prestation honnête (la plupart du temps) et des moments visiblement si pénibles que le public se fait tout à coup solidaire de ces difficultés.
Voilà les dangers de retenir des artistes plusieurs années à l’avance : les voix changent et Hymel est en ce moment totalement incapable de chanter le rôle (voir sa prestation dans les Vêpres siciliennes à Munich en juillet dernier dans un rôle ‑Henri- similaire par le timbre et la couleur, mais moins exigeant). Il y a là me semble-t-il une certaine légèreté de la part des services artistiques de l’Opéra de Paris à ne pas avoir paré le coup pour le retour si symbolique de l’œuvre au répertoire. Yosep Kang a eu bien du cran d’accepter d’aller au feu et d’en être victime. Malheureusement pour lui, plus encore que Marguerite, c’est un grand Raoul qui fait de grands Huguenots.

Tout de même, le succès triomphal a été au rendez-vous : il reste à programmer des reprises…

Acte V : le sang
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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.
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