Musikalische Leitung Paolo Carignani 
Inszenierung Kasper Holten
Bühne Es Devlin
Video Luke Halls
Kostüme Anja Vang Kragh
Licht Bruno Poet
Ton Gernot Gögele | Alwin Bösch
Chorleitung Lukáš Vasilek | Benjamin Lack
Chorleitung Kinderchor Wolfgang Schwendinger
Choreographie Signe Fabricius
Stuntchoreographie Ran Arthur Braun
Dramaturgie Olaf A. Schmitt

Carmen Lena Belkina
Don José Martin Muehle 
Escamillo  Kostas Smoriginas
Micaëla  Melissa Petit 
Frasquita Sónia Grané
Mercédès Judita Nagyova
Zuniga Yasushi Hirano 
Moralès  Wolfgang Stefan Schwaiger
Remendado István Horváth 
Dancaïro Adrian Clarke

Stuntmen – Wired Aerial Theatre | Tänzer | Statisten
Bregenzer Festspielchor
Prager Philharmonischer Chor
Kinderchor der Musikmittelschule
Bregenz-Stadt
Wiener Symphoniker

Bregenz, Seebühne, 23 Juillet 2017

Pour deux ans, Carmen s’installe sur la Seebühne (la scène sur lac) du Festival de Bregenz, dans son versant spectaculaire, puisqu’à côté le Festspielhaus présentait Moïse et Pharaon de Rossini, et un certain nombre de concerts et d’autres productions en ville comme Le Nozze di Figaro et un Ring en version de poche. Un spectacle impressionnant devant 7000 personnes, qui affiche complet pratiquement tout le mois, soit un peu plus de 200000 spectateurs.  Evidemment le dispositif impose des contraintes où la musique y perd peut-être mais le spectacle gagne est toujours vainqueur.

 

Le Festival de Bregenz est une entreprise parfaitement organisée et huilée pour accueillir des milliers de spectateurs, même pour y loger des centaines de voitures qui convergent dans cette ville autrichienne, petite enclave de Vorarlberg entre l’Allemagne (et Lindau) en face, et la Suisse (St Gallen est à une trentaine de kilomètres), pas loin d’un Rhin encore très modeste. Le bout de lac sur lequel est installé la scène offre une vue sur les trois pays, et un quai accueille les bateaux à vapeurs qui amènent le public venu d’Allemagne jusqu’à quelques minutes avant le début de la représentation (mais il y a aussi des trains spéciaux et des bus). C’est, il faut le dire, assez fascinant, et rappelle Vérone, en plus moderne.
Mais à Vérone, le son est direct, ici il est médiatisé par une sonorisation bien faite, car elle inclut outre les chanteurs qui chantent avec micro, un orchestre invisible qui joue dans une salle à l’intérieur en direct, tout comme le chœur. Tout cela est bien synchronisé, et sur la scène n’apparaissent que le ballet, les figurants et les solistes suivant le chef sur des écrans habilement disséminés et dissimulés. Et Carmen est une des œuvres populaires, qui attirent le public, à Vérone comme à Bregenz où c’est la troisième production depuis 1974.

Autant dire qu’on vient à Bregenz plus pour les mirettes que pour les portugaises et autant connaître les règles du jeu, même si la musique qu’on entend est loin d‘être scandaleuse, puisque c’est le Wiener Symphoniker qui est en résidence ici. Il est placé sous la direction de Paolo Carignani, qui comme on dit « assure » la représentation avec le relief de la très bonne tradition de répertoire, une jolie énergie et un son assez clair, une certaine subtilité et un rendu de la couleur autant qu’on puisse s’en rendre compte, tout comme le chœur du festival de Bregenz (direction Benjamin Lack) doublé de l’excellent chœur Philharmonique de Prague (direction Lukáš Vasilek) et du chœur d’enfants du Collège musical de la Ville de Bregenz .
Du point de vue du chant, trois distributions alternaient dont une Carmen de Gaëlle Arquez que malheureusement je n’ai pas entendue, la Carmen du soir où j’ai assisté à la représentation était Lena Belkina, un jeune mezzo-soprano ukrainien qui commence à chanter sur de grandes scènes, notamment l’Elena de La Donna del Lago, et qu’on verra bientôt à Genève dans Rosina du Barbier de Séville (Sept), une Carmen très honorable, avec un certain relief, une voix solide et un sens des nuances qu’il faut saluer. Don José était Martin Muehle, ténor germano-brésilien qui chante Turiddu, Riccardo, Chénier. La voix est forte, claire, bien projetée, mais manque encore de raffinement (avec un si bémol de la fleur que tu m’avais jetée un peu difficile), Micaela était la jeune française Melissa Petit, en troupe à l’Opéra de Zürich, qui s’en est sortie avec les honneurs, la voix et le timbre sont agréables et le chant intense, tandis qu’Escamillo était Kostas Smoriginas, meilleur Escamillo qu’il y a quelques années (à Salzbourg…) , un peu plus sûr, mais manquant toujours de relief et de présence vocale (oui, même avec la sonorisation).
Le reste de la distribution n’appelle pas de remarque particulière : un cast très honnête, mais était-ce pour entendre que le public se déplace par milliers. En fait ce qu’il veut voir, c’est le spectacle, accompagné de la musique réduite ici à l’essentiel, deux heures sans entracte, sans dialogues ni récitatifs, ce ne sont que successions d’airs, de highlights qui font un peu fi de l’intrigue qu’il est difficile de vraiment suivre.
Mais qu’importe, la mise en scène de Kaspar Holten, propose deux idées (?)
– d’une part, faisant de l’air des cartes et de l’idée du destin implacable l’idée centrale, il structure le décor (Es Devlin) en un jeu de cartes géant mélangé par deux mains tout aussi géantes avec vernis à ongle, supposées être celles de Carmen (une cigarette géante allumée est coincée entre deux de ses doigts).
– d’autre part, l’utilisation de l’eau : puisqu’on est sur le lac, profitons-en : Carmen fuit après Les remparts de Séville en se jetant dans l’eau , une partie des ballets se déroule sur un plateau peu à peu envahi par l’eau, Escamillo arrive en barque au quatrième acte, et Carmen est noyée par Don José. Pour tout cela, ce sont les cascadeurs du Wired Aerial Theatre qui sont mis à contribution, une troupe britannique originaire de Liverpool de danseurs acrobatiques qui grimpent partout, impressionnants de rapidité et d’agilité : celle qui double Micaela dans la montagne descend la trentaine de mètres du décor de manière incroyable.

Le dispositif scénique est énorme : fait de bois, de métal, de plastique et de béton, avec des mains de 21m de haut, et où chaque carte fait 7*4m, les unes suspendues, les autres au sol, tandis que d’autres s’enfoncent dans l’eau : sur l’ensemble du dispositif des vidéos (de Luke Halls) projettent les valeurs des cartes à jouer, quand c’est nécessaire, ou des lumières aux couleurs différentes (Bruno Poet) selon les scènes, l’ensemble est un peu kitsch, mais c’est la loi du genre vu l’espace, c’est impressionnant parce que techniquement impeccable (il y a même un feu d’artifice), rien à dire, le spectacle digne d’une revue de musical est totalement réussi et l’on sort vraiment gorgé d’images, sinon satisfait.
L’idée des cartes de Kasper Holten n’est pas très originale (oserais-je dire comme d’habitude), d’autant que Louis Désiré deux ans auparavant pour la Carmen d’Orange (avec Jonas Kaufmann), autre espace à mise en scène spectaculaire, utilisait la même (gentil hommage ou menu plagiat ?) mais elle tape à l’œil ici d’une autre manière : à la place du Mur, il y a l’immensité du Lac, qui n’est pas sans ajouter une certaine poésie et une certaine irréalité à l’image. Après tout, on vient essentiellement pour ça, et c’est évidemment réussi, dans le mille. Au total une Carmen qui convient bien au lieu, qui ravit les spectateurs, reste à savoir si c’est tout à fait Carmen, si c’est tout à fait de l’opéra mais on s’en moque. Il reste quand même que personne n’est lésé, parce que musicalement, malgré les artifices techniques ça tient bien la route et que le spectacle, parfait techniquement est au rendez-vous. Au bout du compte, j’étais ravi.

"Vous pouvez m'arrêter, c'est moi qui l'ai tuée" Don José (Daniel Johansson)

 

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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